c. Quelques facteurs explicatifs de l’échec de la CCAO

Les facteurs suivants seraient à la base de la limitation de l’action de la CCAO, voire même de son annihilation :

  1. l’existence d’une monnaie convertible, en l’occurrence le franc CFASoulignons que les pays membres de la zone franc n’avaient pas besoin de la chambre pour les transactions s’effectuant entre eux., a également réduit les opérations portées en Chambre. En effet, ce sont quasiment les pays à monnaies inconvertibles qui ont fait plus recours aux services de la Chambre : les montants portés en Chambre, entre 1980 et 1989, provenaient des Banques centrales du Ghana, de la Mauritanie et du Nigeriaet l’essentiel des créances (86,5% en moyenne annuelle) était concentré sur la BCEAO [Cerruti (1993)]. Là aussi la similitude avec le rôle concurrent joué par la Livre sterling au sein de l’UEP est frappante ;
  2. le règlement de soldes élevés en devises a replacé les pays devant le problème qu’ils cherchaient justement à éviter, à savoir l’acquisition préalable de devises avant toute transaction commerciale avec l’international. Et l’insolvabilité « chronique »de certains pays (jusqu’en 1999, la Guinée-Bissau devait encore 9,8 millions de dollars US à la Chambre et le Liberia, 7,4 millions de dollars US) et l’exigence de remboursement de la BCEAOCelle-ci a conditionné sa participation au projet de création d’une zone monétaire unique de la CEDEAO au remboursement des arriérés de la Chambre de Compensation dont elle est la principale bénéficière. ont fini par décourager les uns et les autres : les premiers, par peur d’aggraver leur situation débitrice et les seconds, par crainte de continuer à accumuler des créances douteuses. Ce qui rappelle également la configuration de la Chambre de compensation européenne au moment de sa disparition ;
  3. l’existence des marchés informels de change : une étude de la Banque MondialeRéalisée en 1990 et reproduite en "encadré" par. Cerruti (1993). a illustré l’effet négatif potentiel des marchés parallèles de change sur la Chambre de compensation. L’étude part du principe que l’existence des marchés parallèles de change traduit une surévaluation des monnaies nationales. Ceci étant, on considère une transaction entre un résident d’un pays A et un résident d’un pays B. Les cours de change de leurs monnaies respectives sont les suivants :
Unités Monétaires de A et de B pour 1$ UMA / 1$ UMB / 1$ UMB / UMA
Taux officiel (Chambre) 3 17 5,7
Taux parallèle 4 50 12,5

Source : Cerruti (1993)

Dans cette configuration et en généralisant, les exportateurs de B réalisent plus de profit en passant par le marché informel. A chaque pallier d’1$ de biens ou services vendus aux résidents de A, ils réalisent 33UMB par rapport à ce qu’ils auraient gagné en passant par la Chambre. Par contre, ils sont incités à passer par la Chambre pour ce qui concerne les importations, ne serait-ce que dans un but spéculatif (la revente des biens importés sur le marché parallèle). Selon l’étude, dans le cas des importations, « le compte de la Banque centrale de B devient alors débiteur, et ces débits (à régler en devises) sont d’autant plus élevés que les processus d’arbitrage sont parallèlement importants. Le pays B est en conséquence peu incité à poursuivre [au niveau officiel] ces opérations en chambres, comme le pays A à accepter les déficits. Les relations tendent donc rapidement à se crisper et les mouvements en chambre entre les deux pays à péricliter ».

L’effet conjugué des écueils évoqués ont obligé les autorités de la CEDEAO à dissoudre la CCAO en 1994. Mais les pays membres n’étant toujours pas en mesure de rétablir la convertibilité de leur monnaie (contrairement aux pays de l’UEP), la poursuite de l’objectif d’intégration monétaire et commerciale a poussé la CEDEAO à créer, à la place de la CCAO, une Agence monétaire avec une mission plus ambitieuse et plus précise.