Conclusion du chapitre

Configuré par les pays colonisateurs, l’espace monétaire ouest-africain a connu deux développements distincts : 1°) son découpage en trois zones monétaires coloniales (zone escudo, dans les colonies portugaises, zone franc CFA, dans les colonies françaises et zone sterling, dans les colonies britanniques) ; 2°) son émiettement en 8 sous-espaces après l’accession des colonies à l’indépendance. Deux types d’expériences ont été suivis : indépendance monétaire, dans les anciennes colonies britanniques et portugaises et union monétaire, dans les anciennes colonies françaises.

L’étude menée dans ce chapitre a permis de faire le bilan des deux expériences. Il ressort des éléments observés les remarques suivantes.

─ L’expérience d’union monétaire choisie par les anciennes colonies françaises a été plus efficace. L’évolution des agrégats monétaires sur la période observée montre une politique monétaire mieux conçue et mieux exécutée. L’inflation n’a atteint deux chiffres qu’en 1994 et 1995 à la suite de la dévaluation du franc CFA. L’émission monétaire est couverte à plus de 100% par des réserves de devises depuis 1997 et ce bien que la convertibilité du franc CFA soit assurée par le Trésor français.

L’africanisation des postes de responsabilité dans l’administration de la BCEAO et le transfert du siège de cette dernière en Afrique a accru l’autonomie de l’UMOA a appelé un approfondissement de la coopération entre les pays membres. De nombreuses institutions ont été créées pour assurer le fonctionnement de l’Union.

En revanche, la promotion de la croissance économique et de l’intégration commerciale (qui était escompté dans le maintien de la zone au moment de l’accession des colonies à l’indépendance) n’a pas été à la hauteur de l’espoir. Les pays de l’UEMOA sont à nouveau confrontés à l’appréciation mécanique du franc CFA vis-à-vis du dollar. Déjà dévalué de 50% en 1994, de combien faudra-t-il encore dévaluer le franc CFA pour compenser sa surévaluation liée à son ancrage à un euro de plus en plus fort. Et puis, faut-il répéter l’opération chaque fois qu’il s’appréciera par rapport au dollar sans oublier les disparités entre les Etats membres qui n’ont pas été considérées au moment de la dévaluation de 1994 (et qui devraient pourtant l’être). La fixité du taux de change entre le franc CFA et l’euro constitue le point faible. Car elle expose la zone aux fluctuations de l’euro par rapport aux autres devises internationales. Et ceci est d’autant préoccupant que l’ouverture commerciale de la zone ne cesse de s’accroître.

─ Dire que la voie de l’indépendance monétaire choisie par la Guinée et les anciennes colonies britanniques et portugaises n’a pas été une réussite est un euphémisme. Les deux anciennes colonies portugaises (Cap-Vert et Guinée-Bissau) ont d’ailleurs été amenées à y renoncer. L’évolution des indicateurs monétaires observés a révélé des politiques monétaires laxistes. Leur décision de rendre leur monnaie inconvertible et d’adopter des politiques de contrôle de change a entraîné un développement de marchés parallèles de change (on y reviendra au chapitre 2) et a crée un goulot d’étranglement au niveau des paiements inter Etats. Ce qui entrave la réalisation de l’objectif d’intégration commerciale de la région à l’origine de la création de la CEDEAO. Le commerce parallèle a proliféré sur ce terreau. Ces mauvaises gestions produisent des externalités négatives sur les pays de l’UEMOA qui, par exemple, ont été obligés de restreindre la convertibilité du franc CFA pour réduire la demande dont celui-ci faisait l’objet dans ces pays.

─ Les éléments de l’actif du bilan de la coopération monétaire régionale sont également peu reluisants. Le mode opératoire de la Chambre de compensation s’est avéré inadapté au bout de quelques années de fonctionnement et les chèques de voyage lancés récemment n’ont guère suscité d’intérêt chez les opérateurs économiques de la région.

En définitive, il apparaît de l’état des lieux dressé dans ce chapitre qu’il existe effectivement des problèmes de choix monétaire en Afrique de l’Ouest: le choix de l’union monétaire fait par les pays de la zone franc se heurte à la rigidité des règles qui régissent les accords de coopération monétaire avec la France. A l’inverse, le choix d’autonomie monétaire des autres pays a révélé l’impossibilité d’avoir une politique monétaire crédible sans « se lier les mains » dans cette région. La construction d’une union monétaire régionale se présente donc comme la solution la mieux appropriée à la fois :

Les deux avantages cités ici ne le sont qu’à titre de première approximation. Le chapitre qui suit montrera les inconvénients qui découlent de la multiplicité des monnaies inconvertibles dans cette région. Puis, il analysera les avantages à escompter de l’instauration d’une union monétaire intégrale au regard des spécificités de la région.