Chapitre 2 Effets probables de la création d’une union monétaire au sein de la CEDEAO versus effets observés d’expériences similaires

Introduction du chapitre

Trois principales attentes fondent l’intention des Etats membres de la CEDEAO d’instaurer une union monétaire entre eux. La première attente est de voir l’union monétaire favoriser une intégration de leurs économies par le biais de l’accroissement des échanges commerciaux et des investissements qu’elle est supposée induire. La seconde attente repose sur l’espoir que l’union contribue à la stabilisation macro-économique grâce à la rigueur monétaire et budgétaire qu’elle va susciter. La troisième réside dans ce qu’Assanté (2001) appelle objectif clef de cette union monétaire, à savoir l’accélération et l’intensification de l’effort global d’intégration de la CEDEAO. Ce point de vue est partagé par Masson (2001) en ces termes : « il y a lieu d’espérer que cette union monétaire aura notamment pour résultat d’accroître les échanges entre les membres et d’élargir et de renforcer l’intégration régionale »64.

Les pays d’Afrique de l’Ouest attendent donc de la monnaie qu’elle contribue activement à la réalisation d’un idéal communautaire ; celui qui sous-tend notamment le traité instituant la CEDEAO. Jusqu’à une époque récente, cette quête mixait à la fois l’intégration par le marché (renforcement des interdépendances de fait entre les pays) et l’intégration par les politiques.

L’intérêt porté aujourd’hui à la monnaie comme vecteur d’intégration participe de cette même logique tout en concrétisant un infléchissement en faveur du volontarisme politique.

Le choix en faveur d’une union monétaire s’explique par les résultats décevants des tentatives de renforcement de l’intégration commerciale au cours des 3 dernières décennies. En effet, malgré la création de plusieurs organisations intergouvernementales à vocation commerciale65, les échanges commerciaux intra-régionaux n’ont pas beaucoup progressé. De 4,1% en 1975, ils ne représentent qu’environ 11% du commerce total de la région en 2006, alors que dans les circuits parallèles, ils sont estimés entre 30 et 50% (MacGraffey, 1987 ; Lambert, 1989).

Cette situation s’explique par de nombreux facteurs dont, entre autres, l’inconvertibilité des monnaies66 et l’inexistence d’un réseau de correspondants entre les banques commerciales des différents pays.

Trois sections composent ce chapitre. La première section est consacrée à l’analyse des effets positifs directs et indirects qu’une union monétaire pourrait avoir sur le commerce intra-régional de façon générale. En menant une étude pays par pays, la deuxième section essaie de répondre à la récurrente question qui s’impose à l’esprit chaque fois qu’un groupe de pays annonce son intention de former une union monétaire, à savoir la répartition des gains entre les participants au projet. Cette interrogation revêt un intérêt particulier dans le cas précis de la CEDEAO tant les disparités économiques entre les pays membres sont fortes. Enfin, la troisième section passe en revue quelques expériences d’unions monétaires en vue de confronter les effets espérés dans le projet ouest-africain aux réalités observées dans des expériences. Cette étude empirique est envisagée avant la revue du débat théorique, car comme le note Olszak(1996), « la théorie [sur les unions monétaires] est très largement postérieure à l’existence de plusieurs unions qui n’avaient été créées qu’au nom de besoins de la pratique ou bien, mais dans une moindre mesure, de certains projets politiques ».

Notes
64.

Finances et développement, mars 2001.

65.

La Mano River Union (1974), la CEDEAO (1975), l’UEMAO (1994), la ZMAO (1999) et la perspective de fusion UEMOA/ZMAO, pour ne citer que les plus connues.

66.

Y compris le franc CFA depuis que sa convertibilité a été restreinte.