a. La nécessité d’une monnaie unique régionale en Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest constitue une zone de libre échange depuis 1999, du moins « officiellement ». Tout un schéma de libéralisation des échanges régionaux a été adopté par les Chefs d’Etat, mais l’effet espéré, c’est-à-dire l’accroissement des échanges, tarde toujours à se produire. Au rang des principaux facteurs explicatifs figurent indiscutablement la multiplicité et l’inconvertibilité des monnaies. En effet, destinées à un usage uniquement domestique (ou limitée à la zone d’émission, pour ce qui est du franc CFA), les monnaies des pays membres de la CEDEAO ne jouent qu’un rôle très marginal dans le commerce intra régional. Elles ne sont utilisées dans des opérations à caractère régional que dans deux cas : 1°) dans les petites transactions commerciales entre populations riveraines, c’est-à-dire vivant aux abords des frontières67 ; 2°) dans le commerce de réexportation68 que certains pays pratiquent.

Comme il est apparu dans le premier chapitre, les initiatives– en l’occurrence la chambre de compensation et le chèque de voyage– ayant visé à pallier le handicap se sont avérées inadaptées aux réalités socio-économiques de la région. L’idée d’autoriser la monnaie de chaque pays à circuler dans les autres pays n’a pas été retenue. De ce fait, le commerce intra régional dépend des disponibilités en devises au même titre que le commerce extra régional.

Or, les sources de devises de ces pays ne reposent que sur la vente des matières premières et de produits primaires et les emplois qui les attendent sont nombreux : importations de biens d’équipement (machines mécaniques, électriques, automobiles,…), de produits pétroliers, alimentaires et pharmaceutiques, les frais des mission officielles, l’entretien des missions diplomatiques et consulaires, les contributions aux organisations régionales et internationales, le remboursement de la dette extérieure, … L’étude de l’évolution des politiques de change des pays à autonomie monétaire a montré les difficultés que ceux-ci éprouvent dans la satisfaction de leurs besoins en devises.

Face à la récurrence de la pénurie de devises, ces Etats ont souvent opté pour le contrôle des changes. Les banques centrales sont alors chargées de la gestion des devises : les recettes des exportations publiques leur sont versées ainsi que celles des agents privés via les banques commerciales. L’offre de devises est rationnée et les besoins des Etats sont satisfaits en priorité. La demande de devises du secteur privé n’est prise en considération qu’à la condition suivante: l’achat de devises n’est accordé à un particulier ou à une entreprise que lorsque l’emploi qu’il (elle) en fait est supposé être indispensable. D’où l’attribution de licences aux opérateurs économiques engagés dans l’import-export. Par exemple, importation de biens d’équipement, de denrées alimentaires, de carburant,…Etant donné que ces types de biens sont généralement acquis hors de la région, le commerce intra régional se trouve par conséquent quasiment exclu des priorités d’allocation de devises des autorités monétaires

Une union monétaire avec une monnaie unique permettra non seulement de supprimer le besoin d’acquérir des devises pour effectuer un paiement à l’intérieur de la région, mais aussi facilitera l’opération grâce à l’interconnexion des systèmes bancaires nationaux via le système unique de banques centrales (la Banque centrale régionale et les banques centrales nationales).

Notes
67.

Les populations vivant aux frontières utilisent indifféremment les monnaies respectives de leur pays dans leurs transactions.

68.

Pour contourner l’obstacle monétaire, les commerçants exportateurs de produits de leur pays vers un pays voisins utilisent les recettes de leur vente dans l’achat de produits qu’ils pourraient revendre chez eux. On y reviendra.