b. Les effets pervers des marchés parallèles de devises sur le commerce
L’utilité sociale reconnue aux marchés parallèles de devises ci-dessus ne doit pas occulter les préjudices qu’ils portent aux différentes économies. En effet, les marchés parallèles de change ne peuvent jouer qu’un rôle marginal dans le financement des besoins en devises à cause de l’importance des primes et de la volatilité des cours de change. Par conséquent leurs inconvénients reprennent le dessus sur les avantages qu’ils sont sensés comporter. On peut résumer leurs inconvénients en trois points principaux :
- la florissante contrebande qu’ils entretiennent fait perdre aux Etats d’importantes recettes douanières. Le comble c’est que le commerce parallèle concerne également des produits d’exportations des Etats (or, diamant, carburant,…) et des biens de consommation dont la valeur peut atteindre plusieurs millions de dollars par an [Meagher (1996)] ;
- ils sont source d’évasion fiscale : en effet, l’absence de tenue de comptabilité dans ces marchés empêche les Etats de pouvoir taxer les revenus des opérateurs ;
- l’importance des primes dans ces marchés peut porter trois types de préjudices aux banques centrales : le premier préjudice consiste en une réduction de leurs réserves de devises. En effet, des fonctionnaires véreux de ces banques centrales peuvent détourner les devises de leur emploi prévu en les revendant sur les marchés parallèles, ou se rendre complices dans le processus de surfacturation des importations. Le deuxième préjudice consiste en une réduction de la capacité de collecte de devises de ces banques centrales. En effet, les devises qu’emportent les touristes et les transferts de revenus des ressortissants de la région résidant à l’étranger (qui s’effectuent de plus en plus dans des circuits non officiels) s’échangent généralement dans les marchés parallèles à cause du cours souvent plus élevé par rapport à celui du marché officiel. Par exemple, 1€ s’échange contre environ 3600 francs guinéens sur le marché officiel alors que sur le marché parallèle, il s’échange contre plus du double. Enfin le troisième préjudice, qui découle du deuxième, consiste en un accroissement de la masse monétaire. En effet, comme le montre Blanc (2002) la mise en circulation des moyens de paiement parallèle81 doit s’effectuer dans le cadre d’une opération de change officiel afin de retirer la contrepartie en monnaie nationale. Sans quoi la partie et la contrepartie se retrouvent toutes les deux dans la circulation et entraînent arithmétiquement une augmentation de la masse monétaire en circulation.
Si elle est acceptée, c’est-à-dire si elle inspire confiance, une monnaie unique-CEDEAO mettra fin à l’utilisation de monnaies « tierces » dans les transactions intra régionales. Ce qui se traduira non seulement par des gains de devises, mais aussi par l’élimination des effets pervers que l’utilisation de ces devises fait subir aux Etats et à leurs politiques économiques.
Notes
81.
J. Blanc qualifie de monnaie "parallèle" l’utilisation d’une devise étrangère comme moyen de paiement sur un territoire donné à côté de la monnaie nationale. Ce phénomène s’observe dans certains Etats ouest-africains. En Guinée par exemple, sous l’effet de la dépréciation de la monnaie nationale beaucoup de Compagnies aériennes exigent des devises étrangères en paiement de leurs prestations.