1.3.2 La perte des revenus de seigneuriage

La perte des avantages relatifs au privilège de battre la monnaie constitue le deuxième type de coûts que les Etats candidats à une unification monétaire sont appelés à supporter. En termes de quantité, le droit de seigneuriage exprime les gains qu’obtiennent les Etats du fait d’émettre la monnaie nécessaire à l’accroissement des encaisses nominales des agents économiques. Pour le calcul, ces gains correspondent au montant qu’aurait rapporté la rémunération des réserves obligatoires (non rémunérées) détenues par les institutions financières auprès des Banques centrales. Cependant, même si le niveau de ces réserves varie d’un pays à un autre, force est de constater qu’ils ne peuvent être que modestes de façon générale et par essence. Ils représentaient moins d’un demi-point du PNB, en France et 1,2%, en Italie95.

Le droit de seigneuriage procure aussi deux autres avantages qui paraissent d’ailleurs plus importants que le précédent. Premièrement il offre aux Etats la possibilité de dévaloriser les dettes qu’ils ont contractées auprès des agents privés. En effet, l’accroissement de l’inflation qui accompagne généralement la création monétaire, dans le cas où il n’est pas parfaitement anticipé par les agents privés, érode les dettes publiques. Le lien entre seigneuriage et inflation est analysé par Fischer (1982) et Dornbusch et al (1993). Le constat a été que, dans les pays où l’inflation est inférieure à 10%, le seigneuriage représente généralement moins de 1% du PIB ; et inversement, là où elle est forte, le seigneuriage est élevé. Ce fut le cas de l’Argentine dans les années 80 où dans un contexte d’hyperinflation (l’inflation frôlait les 600%), le seigneuriage a atteint environ 6% du PIB. Cependant, le constat ne peut donner lieu à une règle, car ces auteurs ont remarqué aussi qu’un seigneuriage moyen (environ 2% du PIB) pouvait bien s’accompagner d’une forte inflation (cas du Brésil et d’Israël, dans les années 70 et 80)). Deuxièmement, dans la mesure où les Etats ont le monopole de l’émission de l’instrument qui a le pouvoir libératoire (y compris de leurs propres dettes), cela leur permet d’échapper à la faillite.

Bref, si la perte de l’avantage quantitatif du seigneuriage pourrait paraître anodine (compte tenu de sa faible importance), les deux avantages qualitatifs revêtent, eux, une importance non négligeable surtout pour les pays ouest africains pour lesquels l’endettement intérieur constitue une source de financement alternative indispensable vu la diminution constante de l’aide internationale. Les gains à opposer à cette perte sont les économies résultant de la baisse des taux d’intérêt.

Ont été abordés dans cette section, quelques avantages escomptés et quelques coûts susceptibles d’être supportés par les membres de la future union monétaire CEDEAO de façon globale. Cependant, même si la prospérité de l’ensemble est présentée comme le but final, il n’en demeure pas moins que la répartition des effets entre les futurs membres est une question récurrente dans ce genre de projet.

Notes
95.

Daniel COHEN, "La coopération monétaire européenne : du SME à l’Union monétaire", revue d’économie financière, n°8/9 ; P74.