2.1.1 Les pays membres de l’UEMOA

Les pays membres de l’UEMOA ont acquis une stabilité monétaire comparable aux économies développées grâce aux mécanismes de la zone franc et à l’arrimage du franc CFA à l’euro. Ils n’auront pas donc de coût de désinflation à supporter dans ce projet d’union monétaire de la CEDEAO. En revanche, il n’est pas exclu qu’ils puissent s’exposer à un risque d’inflation importée, même si, de prime abord, ce risque devrait logiquement diminuer du fait de la rigueur monétaire accrue des pays candidat à la ZMAO. Cette supposition est fondée sur le poids que les pays de la ZMAO représenteront dans la future union monétaire CEDEAO (environ 70% du PIB régional, à cause de la présence du Nigéria qui, à lui seul, représente environ 57% du PIB régional) et sur leur passé inflationniste (tableau 1.3). C’est pourquoi, tout en considérant que le désarrimage du franc CFA de l’euro est inéluctable à terme, Moustapha Kassé97 estime que l’UEMOA devrait néanmoins rester dans la zone franc pour le moment tout en cherchant à instaurer des règles qui permettent la modification du taux de change lorsque la situation économique et financière l’exige.

Par ailleurs, l’exportation du pétrole et du gaz représente plus de 12% du PIB du Nigéria alors que ces produits représentent environ 15% du total des importations de la Côte-d’Ivoire, 25% celui du Mali et 19,5% celui du Sénégal, pour ne citer que les principaux pays de la zone. Il y a là aussi une source potentielle de chocs asymétriques. En cas de fluctuations importantes des prix de ces produits (comme en ce moment où le prix du baril du pétrole ne cesse d’augmenter), l’antagonisme des réponses à apporter risque de saper les fondements d’une union monétaire.

La conclusion à laquelle Masson et Patillo (2004) sont parvenus dans l’étude qu’ils ont consacrée au projet98 de création d’une monnaie unique pour toute l’Afrique en passant par la création préalable d’unions monétaires dans les cinq communautés économiques régionales99 corrobore les arguments soulignés supra. En effet, les résultats des simulations effectuées par ces auteurs indiquent une perte pour les pays membres de l’UEMOA en cas d’union monétaire avec tous les pays candidats à la ZMAO à cause principalement de la taille du Nigéria et de sa mauvaise gouvernance.

Les pays membres de l’UEMOA ont tout de même deux avantages évidents à tirer dans ce projet :

  • Le fait de pouvoir sortir des accords monétaires anachroniques dans lesquels ils se trouvent actuellement. En effet, l’adoption d’une monnaie régionale les affranchirait de la rigidité des règles de fonctionnement de la zone franc et leur permettrait d’avoir une politique monétaire souple et active qui tient compte des réalités de leurs économies et de leurs objectifs de développement. Actuellement, ils ne sont que des « wagons » (UEMOA et CEMAC) attelés à la Banque centrale européenne puisque la BCEAO et la BEAC ne participent pas à la définition de la politique de celle-ci. Et la BCE ne tient pas compte de leur cas dans la définition de ses objectifs pour l’UEM européenne. Comme on le verra dans le dernier chapitre de ce travail, toutes les études consacrées à la zone franc recommandent son réaménagement, à défaut de sa dissolution (pour préserver les aspects positifs) ;
  • L’adoption d’une monnaie régionale libérera la BCEAO des contraintes liées à la demande du franc CFA comme moyen de règlement dans le commerce parallèle et comme monnaie d’épargne dans les pays voisins.

Notes
97.

Professeur d’Economie, doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion à l’Université "Cheick Anta Diop" de Dakar, Moustapha Kassé a codirigé un ouvrage collectif sur l’avenir de la zone franc en 2001 (voir bibliographie).

98.

Projet lancé par l’Union Africaine.

99.

Union Maghreb Arabe (UMA), Marché commun « de l’Afrique orientale et australe (COMESA), Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), CEDEAO et Communauté du développement de l’Afrique australe (SADC).