Section 3 : Histoires et enseignements de quelques zones monétaire

L’intégration monétaire est un « phénomène » complexe et ancien. Complexe, parce que pouvant prendre différentes formes et regrouper divers membres ; ancien, parce que remontant à l’antiquité grecque110. Concernant la première caractéristique, le passage en revue des expériences passées montre que l’intégration monétaire peut être totale comme elle peut être partielle ; elle peut même revêtir les deux formes à la fois111. Cette complexité explique le fait qu’il n’y a pas « une définition universellement acceptée de la notion de l’intégration monétaire » (Semedo et al, 1999). Toutefois, en fonction du degré d’intégration, on parle, dans la littérature relative au thème, d’unions monétaires "pures" ou "intégrales" et de "pseudo"-unions monétaires. Les premières correspondent au stade ultime de l’intégration monétaire et se caractérisent par : une monnaie unique, une politique monétaire unique, une banque centrale commune, une mise en commun des avoirs extérieurs, des taux de conversion identiques vis-à-vis des pays tiers, le libre transfert des capitaux au sein de la zone et la coordination des politiques budgétaires. Les secondes varient entre une simple fixation de taux de change (avec ou sans marges de fluctuations) et l’adoption d’une monnaie commune (avec contrôle concerté sur l’évolution des agrégats monétaires et convertibilité intégrale des monnaies nationales). Dans la typologie proposée par Sandretto (1994), les regroupements monétaires sont classés sous quatre formes : les blocs monétaires, les zones monétaires, les systèmes monétaires et les unions monétaires. Le dénominateur commun à toutes ses formes est la stabilité du change. Alors que cette dernière est obtenue par alignement "spontané" des monnaies sur une monnaie-clé dans les blocs monétaires (exemple : bloc or, bloc dollar, bloc sterling, bloc mark,…), dans les "zones monétaires", elle est assurée grâce à l’unification formelle de la réglementation des changes intra-zone et à la centralisation de la gestion des réserves de changes des pays membres (exemple : zone sterling, zone franc,…). Le "système monétaire" se caractérise par l’existence de mécanismes de régulation spontanés ou élaborés, favorisant aussi bien une stabilité du change que le rééquilibrage des balances des paiements des pays participants (exemple, le SME, SMI). Enfin, en ce qui concerne l’Union monétaire, la définition avancée supra reste valable. Selon cette classification, un arrangement monétaire peut être à la fois une zone monétaire, un système monétaire et une union monétaire. Exemple, la zone franc.

Par souci de simplification, nous définirons la notion de zone monétaire (pour son caractère générique et usuel). A la lumière des considérations ci-dessus, une zone monétaire est un espace formé de deux ou plusieurs pays et dans lequel au moins un des critères suivants est rempli : les monnaies sont convertibles à taux fixe, les réserves de change sont mises en commun, il y a adoption d’une monnaie unique ou d’une monnaie commune, d’un mécanisme de régulation monétaire, des taux de change flottants vis-à-vis des pays tiers,…

Cette section retrace, dans un premier temps, l’histoire de quelques regroupements monétaires tout en soulignant le (ou les) motif(s) qui ont plaidé en faveur de leur formation, leur mode de fonctionnement, les causes du démantèlement de celles qui ont disparu et les facteurs explicatifs de celles qui ont survécu. Dans un deuxième temps, elle fait la synthèse des enseignements à tirer pour le projet ouest africain d’unification monétaire.

Notes
110.

Dans la Grèce antique, plusieurs cités étaient indépendantes et monétairement souveraines. Ceci a généré la multiplication de systèmes locaux de paiement. L’augmentation des besoins d’échanger consécutive à l’accroissement de la population et au développement des échanges avec l’Orient conduit à une prise de conscience des entraves que constitue cette multiplicité des monnaies. Des unions monétaires vont lier certaines de ces cités à partir des VIe, Ve et IVe siècles. (Revue Juridique de l’Ouest, N° Spécial 2003 ; p.29).

111.

Cas de la zone franc : les pays africains de la zone forment une union monétaire complète entre eux, et une union monétaire partielle (ou pseudo-union) avec la France.