3.1.2 L’Union monétaire latine

Ainsi nommée parce que regroupant essentiellement de pays dont la langue était de cette origine, l’union monétaire latine ne visait au départ qu’une ambition très limitée. Comme le note Olszak (1996), il ne s’agissait que de : « définir quelques règles techniques d’émission des monnaies métalliques pour conforter une union de fait existant en Europe occidentale et pour résoudre quelques problèmes entraînés par la crise du bimétallisme ». Cette Union latine se composait de la Belgique, de la France, de la Grèce, de l’Italie et de la Suisse.

S’agissant des règles techniques, elles se résumaient en un ensemble de conventions garantissant l’émission et la circulation, sans restriction, des pièces d’or et d’argent de même valeur dans toute l’union. Chaque pays membre pouvait émettre des pièces de 100, 50, 20, 10 et 5 en or et des pièces de 5 francs en argent. Des unités monétaires inférieures à 5 francs pouvaient être émises par les Etats membres mais étaient exclues des accords de coopération monétaire. Les pièces admises dans l’intercirculation étaient dans un rapport de 1g d’or pour 15,5g d’argent. L’application scrupuleuse de ces règles par les Etats membres explique le fait que cette union soit considérée comme le premier effort international sérieux pour réglementer les taux de change (Ricketts, 1996).

Quant aux difficultés à l’origine de la disparition de l’Union, elles proviennent de la superposition du bimétallisme (base de fonctionnement de l’Union) et du système monétaire international d’alors (basé sur l’or). Cette coexistence a enclenché la loi de Gresham rendant difficile le maintien d’une parité stable entre l’or et l’argent et ce, d’autant plus qu’en 1870, il y a eu une dépréciation de l’argent qui a exercé une pression sur le stock d’or des Etats membres et a incité ces derniers à émettre d’importantes quantités de pièces de 5 francs en argent (Semedo et al, 1999). L’or est thésaurisé (utilisé occasionnellement dans les transactions internationales) alors que l’argent est utilisé dans les transactions courantes (nationales et régionales). L’abondance de pièces d’argent se traduisit par une dépréciation de ce métal par rapport à l’or. Ainsi, par exemple, selon Armand-Denis Schor113, en 1876, le rapport entre les deux monnaies dépassait 19 ; en 1890, il était de l’ordre de 33,3. Intervenant dans ce contexte, la clause de liquidation de 1885 constitue la première force d’éclatement qui va toucher l’Union. En effet, inondée de pièces d’argent par un solde excédentaire, la France demande le remboursement en or de sa créance. L’Italie et la Suisse acceptent la clause ; la Belgique, elle, se montre réticente à l’idée d’épuration des balances des paiements. L’éclatement de la première guerre mondiale sera fatal à l’Union. Etant presque tous engagés dans la guerre (la Belgique est entièrement occupée ; une partie du territoire français est sous occupation ;…), les pays membres suspendent les principes de l’union pour pouvoir consolider l’usage des monnaies fiduciaires dans le financement de l’effort de guerre. Dans la mesure où la convention du 9 décembre 1921 a préconisé la libre circulation de l’or, la reprise de toutes les pièces d’argent et leur nationalisation, l’Union perdit sa raison d’être. Elle est dissoute en 1926 et les tentatives de sa relance, après la guerre, se sont avérées vaines.

Notes
113.

Op., cité.