3.1.3. L’Union monétaire scandinave

Composée du Danemark, de la Norvège et de la Suède, l’union monétaire scandinave créée dans les années 1870 a atteint un niveau de fonctionnement quasi-complet. En effet, à son apogée, pièces d’or, monnaies divisionnaires et mêmes billets de banques de chaque Etat-membre circulaient librement dans les autres Etats et avec la même parité. L’union a fonctionné correctement aussi longtemps que l’émission des monnaies a eu pour contrepartie l’or et pour cadre, une solidarité culturelle fondée sur le « scandinavisme114 ». Cette union a bénéficié aussi de la proximité des trois économies partenaires, tant en terme de géographie qu’en termes de niveau de développement et même de proximité monétaire (les monnaies des trois portent le même nom, le Taler, et diffèrent seulement sur le plan de l’équivalence en métal et en subdivisions).

Outre l’admission des billets dans les moyens de paiement, cette union est la première à impliquer les banques centrales dans le processus d’intégration monétaire. Un système de compensation est même mis en place en août 1888. Il fonctionne comme suit : les banques centrales s’ouvrent réciproquement des comptes courants non rémunérés et non provisionnés. Elles arrêtent les positions de ces comptes à la fin de chaque trimestre et les soldes débiteurs sont réglés en or. Toutefois, quand le mécanisme a commencé à fonctionner, on s’est aperçu que la Suède et la Norvège étaient régulièrement débitrices et que le Danemark n’exigeait pratiquement pas le règlement. L’accumulation des soldes débiteurs a inquiété la Suède qui y voyait un risque d’effondrement du système au cas où, pour une raison ou pour une autre, le Danemark exigerait le règlement. Pour parer à toute éventualité, les trois pays s’entendirent alors pour provisionner les comptes.

Cependant, malgré le remplacement du « scandinavisme idéaliste » par un « scandinavisme pragmatique115 », des conflits politiques (entre le Danemark et la Suède) et des divergences de politiques économiques ont fini par affaiblir l’union. L’accroissement de l’émission de monnaies et la braderie des réserves d’or par certains Etats (pour faire face aux besoins financiers de la première Guerre mondiale) portent atteinte au principe même de l’union. La défense de la fixité entre la Couronne et l’or ne peut plus être assurée. La Suède fut la première à refuser d’acheter l’or au rapport fixé par les accords fondateurs de l’Union. Toutefois, les monnaies divisionnaires ayant toujours cours légal dans les trois Etats servaient de moyens d’acquisition de la monnaie émise par la Suède (recherchée pour son appréciation). Finalement la Suède interdit les monnaies divisionnaires émises par les deux autres Etats, mettant ainsi fin à l’Union en 1924.

Notes
114.

Mouvement fondé sur l’identité culturelle, linguistique et des systèmes politiques entre les trois pays et visant à se protéger contre les puissants voisins russes ou allemands.

115.

Qui entend fonder l’union sur des bases économiques.