Conclusion du chapitre

Les attentes de la CEDEAO dans ce projet s’expliquent par le fait que les avantages potentiels dont la monnaie unique est supposée être porteuse apportent des réponses appropriées aux problèmes qui entravent le processus d’intégration de ses membres. En effet, par la discipline monétaire qu’elle impose, l’union monétaire offre des gages de confiance sur le long terme (ce qui peut encourager les entreprises à s’engager sur cet horizon) et accroît l’attrait de la région pour les investisseurs étrangers. En facilitant les échanges commerciaux et autres opérations de paiement, la monnaie unique peut favoriser la mise en place d’un marché régional tout en permettant des économies de devises et une réduction des opérations spéculatives transfrontalières.

Par ailleurs, les divers accords de coopération auxquels souscrivent les Etats et qui sont destinés à soutenir l’union monétaire contribueront au renforcement du sentiment d’appartenance à la même communauté. Parmi les retombées positives escomptées, on note l’apaisement du climat politique délétère régnant actuellement dans la région et la coordination des efforts de développement en vue d’une optimisation de l’allocation des faibles ressources.

La confrontation de ces attentes avec les faits observés dans les expériences similaires précédentes a montré que leur réalisation n’est pas toujours et partout observée. C’est seulement dans les cas où une communauté culturelle existait déjà que le processus d’unification monétaire est allé à son terme (Allemagne, Etats-Unis, Italie,…) et a contribué à l’intégration économique et politique. La limitation des relations au domaine monétaire uniquement a été une des causes de la dislocation des unions monétaires latine, scandinave et Est-africaine, car cela a empêché la formation de bases économiques et d’assise institutionnelle. En effet, l’absence de mécanismes de coordination et de régulation n’a pas permis l’adoption de stratégies communes dans la lutte contre les chocs affectant les économies des membres. L’échec des ces expériences souligne l’importance de la solidarité intra zone et de l’intensification de l’intégration politique et économique dans le succès et la pérennité d’une union monétaire.

Enfin, il ressort de ce passage en revue des expériences d’unions monétaires que la participation à un projet de création d’une telle structure ou l’adhésion à un dispositif déjà existant reste une décision politique. Cependant, si dans le passé c’est l’intensité des échanges commerciaux qui constituait le motif principal de la mise en place d’accords de coopération monétaire entre un groupe de pays, aujourd’hui les raisons vont bien au-delà de cette considération et la décision entraîne des implications à la fois économiques et politiques. C’est pourquoi cette décision doit être éclairée non seulement par des enseignements empiriques mais également par des enseignements théoriques. Car, qu’elle soit considérée comme "parachèvement" d’un processus d’intégration régionale ou comme "catalyseur", l’intégration monétaire comporte toujours un enjeu. Nous avons commencé par les premiers à cause de l’antériorité des unions monétaires par rapport aux unions économiques. En effet, comme on l’a dit, l’unification monétaire a commencé bien avant les travaux théoriques dont les premiers remontent aux années 1960. Cela se remarque même dans la problématique de ces travaux qui consiste à étudier "l’optimalité des zones monétaires", c’est-à-dire les régions qui « devraient » instituer une monnaie unique entre elles. Cependant, Puisque le projet ouest-africain de monnaie unique intervient après que ces travaux théoriques sont maintenant effectués, toute unification monétaire doit être analysée sous leur éclairage. C’est l’objectif du chapitre qui suit.