Section 2 : La rupture avec l’approche traditionnelle des zones monétaires optimales

En proposant une variable macroéconomique, en l’occurrence le taux d’inflation, comme indicateur d’optimalité d’une zone monétaire, Harberler (1970), Fleming (1971) et Magnifico (1974) rompent avec l’analyse traditionnelle des zones monétaires optimales et ouvrent une nouvelle piste de réflexion qui sera étendue à d’autres critères  (les critères de Maastricht, les critères prévus dans les projets d’unification monétaire de la CEDEAO et du MERCOSUR). De leur côté, Cooper (1976), Kindleberger (1986) et Bourguinat (1999) vont proposer un critère plus générique : "l’homogénéité des préférences nationales".

Par ailleurs, la littérature récente a aussi porté sur un autre gain ignoré dans le débat initial sur les ZMO. C’est le gain de crédibilité qui résulterait de l’application d’une politique monétaire non inflationniste par une Banque centrale dont l’indépendance ne ferait pas de doute. La « théorie » de crédibilité a fait son apparition dans le débat sur les zones monétaires lors de la construction de l’UEM européenne. Remarquant que l’instauration d’une monnaie unique entre un groupe de pays va entraîner nécessairement la mise en place d’une autorité unique chargée de sa gestion, beaucoup d’auteurs ont repris les travaux de Kydland et Prescott (1977) sur l’indépendance des banques centrales puis de Barro et Gordon (1983) pour les appliquer au cas de la future UEM. Cette indépendance est considérée dans la "nouvelle théorie de la zone monétaire optimale" (De Grauwe, 1999) comme faisant partie des conditions qui contribueront à l’optimisation du fonctionnement d’une zone monétaire. Car, à l’opposé de la théorie « classique » des ZMO (qui cherche à déterminer le périmètre optimal d’une zone monétaire), les approches développées ici cherchent plutôt à identifier les conditions (économiques, monétaires et institutionnelles) d’optimalisation du fonctionnement d’une future zone monétaire et rejoignent la position des rédacteurs du rapport Emerson (1991). En effet, ces derniers considèrent que « la Communauté [européenne] était confrontée [dans la construction de l’UEM] à la définition de compétences économiques et monétaires optimales d’un espace géographique donné ». Ce qui est une inversion de la problématique d’"optimalité" au sens de Mundell.

La présente section s’articule autour de deux points. Le premier point s’interroge sur les fondements de l’approche d’harmonisation des cadres macroéconomiques nationaux comme préalable à l’instauration d’une monnaie unique puis étudie la tentative d’application en cours dans l’espace CEDEAO à la lumière de la première application réussie (c’est-à-dire l’UEM européenne). Le second point examine la question de crédibilité de la politique monétaire sous-tendue dans le débat relatif à l’indépendance de la Banque centrale et apprécie la situation ouest-africaine à la lumière des éléments mis en évidence.