1.1.3 Les travaux empiriques

Depuis 1990, plus précisément à la suite de l’article de Giavazzi et Pagano, plusieurs travaux empiriques ont cherché à vérifier si la politique budgétaire avait un effet sur l’activité économique. Plusieurs méthodes ont été utilisées à cette fin : des estimations à partir des comportements des ménages (consommation, investissement, taux d’intérêt), utilisation des modèles VAR, simulations de modèles macroéconomiques, analyses statistiques [pour une revue de la littérature, voir Hemming et al (2002)]. Les résultats obtenus ne permettent pas de clore le débat entre partisans d’un interventionnisme étatique et défenseurs de l’orthodoxie financière publique, mais ils apportent néanmoins quelques précisions. En effet, si certaines études ont montré qu’une impulsion budgétaire a bel et bien des effets positifs sur la production [Hjelm (2002), Schlarek (2003),…], d’autres études portant sur des expériences de pays de l’Europe du Nord174 révèlent que des politiques budgétaires expansives (restrictives) ont eu à produire des effets négatifs (positifs) sur la consommation des ménages [Giavazzi et Pagano (1990) ; Giavazzi et Pagano (1995) ; Artus (1996) ;…]. En réalité, l’utilisation de la politique budgétaire pour contrer des fluctuations cycliques se traduit par l’un des trois types d’effets suivants : des effets keynésiens, des effets anti-keynésiens et des effets non-linéaires (les deux derniers sont souvent appelés non-keynésiens simplement). Des effets induits par une impulsion budgétaire sont dits anti-keynésiens lorsqu’ils agissent en sens inverse des effets keynésiens. Ce type d’effets a été identifié dans les études de cas grâce à la vérification de l’hypothèse suivante : une période budgétaire est dite anti-keynésienne, lorsqu’un pays, bien qu’ayant appliqué une politique budgétaire restrictive, a vu sa croissance accélérer. Ce phénomène s’explique par des anticipations favorables des agents privés sur l’évolution des finances publiques tandis que le cas où l’expansion budgétaire s’accompagne d’effets dépressifs sur la consommation est supposé illustrer l’effet ricardien.

Enfin, des modélisations en termes d’effet de seuil ont montré que la nature des effets d’une impulsion budgétaire dépendait du niveau d’endettement public. Par exemple, Hansen (1996) a proposé une méthode permettant de déterminer de façon endogène175 le seuil de l’endettement public au-delà duquel les effets keynésiens se transformeraient en effets non-keynésiens, voire en effets anti-keynésiens. Le cheminement est le suivant :

Le GAP (output gap) est égal à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel rapportée au PIB potentiel (GAPit, output gap du pays i à un instant donné t) ; ai désigne les effets spécifiques du pays i ; X est un vecteur qui permet de contrôler l’action des autres variables pertinentes ; SBS est le solde budgétaire structurel de base ; ε est un bruit blanc de moyenne nulle et de variance constante ; θ et π sont les effets marginaux prenant des valeurs différentes suivant le type d’effet budgétaire en œuvre. Celui-ci est mis en évidence en testant l’hypothèse de linéarité (H0 : θ = π) contre l’hypothèse de non-linéarité (H1 : θ ≠ π).

La valeur du seuil endogène trouvée par Hansen laisse entendre que le changement d’effet commence à partir d’un niveau de dette publique correspondant à 83% du PIB.

Notes
174.

Les épisodes budgétaires du Danemark (1983-1984) et de l’Irlande (1987-1989) sont les exemples les couramment cités dans la littérature pour illustrer les effets keynésiens ; tandis que l’expérience budgétaire de la Suède menée entre 1990 et 1994 est considérée comme un exemple type d’effets non-keynésiens.

175.

Pour la détermination exogène du seuil, voir Tsay (1989).