a. Le besoin de coordination dicté par l’existence d’externalités

La coordination des politiques économiques se justifie par l’interdépendance des politiques conjoncturelles résultant de l’intégration des économies. En effet, lorsqu’un processus d’intégration est mis en place entre des économies, des décisions prises unilatéralement par un pays peuvent avoir des effets (positifs ou négatifs) sur l’équilibre économique de ses partenaires. On parle alors d’effets de débordement ou d’externalités. Le cadre d’analyse théorique de ces effets est fourni par le modèle de Fleming-Mundell élargi à deux pays. La généralisation du modèle permet de déduire que dans un espace de fixité de change (ou d’absence de change, pour inclure les unions monétaires) une politique expansionniste menée dans un (ou quelques) pays donné(s) accroît l’activité économique de tout l’espace considéré. En effet, une des conséquences d’une relance budgétaire est la stimulation de la demande interne dans le (ou les) pays qui l’a (ou l’ont) initiée. Compte tenu des effets Viner (de détournement et de création d’échanges), les éventuelles importations nécessaires à la satisfaction de cette nouvelle demande profitent, en premier lieu, aux pays partenaires de l’union. Cependant, si les gains associés à une telle opération profitent à l’ensemble des partenaires, les coûts y afférents ne sont supportés que par le(s) seul(s) pays initiateur(s). Ce genre d’externalités peut inciter certains Etats à adopter un comportement opportuniste, c’est-à-dire attendre les initiatives des partenaires pour engranger les bénéfices tout en évitant les coûts à supporter. Au delà des considérations d’équité, ce risque de resquillage, s’il survient, tend à induire un équilibre sous optimal pour l’espace, puisque l’effort d’un seul ou de quelques pays es souvent insuffisant pour porter le fonctionnement de l’union tout entière vers l’optimum.

En revanche, au fil du temps, l’augmentation de la dette publique, conséquence directe de l’augmentation du déficit public dans le (ou les) pays initiateurs de la relance, entraînera la hausse du (ou de leur) taux d’intérêt. Ce qui freinera la consommation et l’investissement. Dans le cadre de l’UEM européenne, une clause a été adoptée pour essayer de limiter les conséquences d’une action budgétaire autonome dans le pays initiateur. C’est la clause « no bail-out » qui interdit la solidarité financière, c’est-à-dire le non renflouement d’un Etat défaillant par les autres Etats. Cette mesure ne saurait pour autant suffire à rassurer les marchés financiers et les agents privés qui risquent de ne pas perdre de vue ce qui fait l’essence même d’une Union, à savoir la solidarité au sens large du terme. Car même si la clause no bail-out interdit expressément aux membres de l’UEM d’apporter un soutien financier à un pays partenaire en récession, le principe de l’irrévocabilité de l’adhésion laisse entrevoir cette éventualité183. Ce genre de contradictions conceptuelles est de nature à entretenir la méfiance des marchés financiers. Méfiance qui peut se traduire par une hausse des taux d’intérêt exigés pour l’achat de tous titres publics émis, y compris pour les titres émis par les autres pays de l’union.

Par ailleurs, en considérant l’union dans ses relations avec le reste du monde, la hausse généralisée de ses taux d’intérêt, évoquée ci-dessus, attirera les capitaux des pays tiers en quête de rémunération. Du fait de l’unicité du taux de change vis-à-vis de l’extérieur et surtout de l’impossibilité d’ajuster le taux de change nominal du (ou des) pays à l’origine de la relance budgétaire, on va assister à l’appréciation de la valeur de la monnaie communautaire et avec elle, de celle des termes de l’échange de la Communauté vis-à-vis du reste du monde dont la conséquence se traduit par une dégradation des échanges externes de l’union.

Enfin, la dernière justification du besoin de coordination des politiques budgétaires réside dans la disparition du « prêteur en dernier ressort » (Artus, 1998). En effet, ayant perdu la possibilité de financer leur déficit budgétaire par création monétaire, les Etats peuvent être tentés de le compenser par emprunts dans les marchés de capitaux. Ce qui risque d’alimenter une spirale d’endettement. D’où la nécessité d’envisager des garde-fous pour éviter les excès. C’est une autre raison d’être du "pacte de stabilité et de croissance"dans l’UEM européenne.

Notes
183.

Il est inimaginable que l’union éjecte un de ses membres pour des raisons de cette nature.