b. Les effets du programme de convergence macroéconomique préludant la mise en place de la seconde zone monétaire

Le programme de convergence macroéconomique à réaliser avant l’instauration de la seconde zone monétaire comporte plusieurs variables budgétaires. Ce programme entend imprimer une nouvelle direction à ces variables. Cependant, son caractère non contraignant fait que, malgré l’alignement des objectifs des lois de finances annuelles des pays candidats sur ceux du programme commun, les déficits budgétaires continuent leurs fluctuations habituelles. Seul le Ghana a enregistré une régularité dans l’amélioration de son ratio déficit budgétaire /PIB depuis le début de réalisation du programme. La performance ghanéenne est certes imputable au programme de stabilisation et de redressement économique mis en place par le nouveau gouvernement en 2000207 avec le soutien du FMI, mais certainement aussi au fait d’abriter l’IMAO et d’être co-initiateur du projet. L’accroissement des dépenses militaires occasionné par la sécurisation des régions Sud et Sud-Est (victimes de pillage de la part des rebelles libériens et Sierra léonais) a fortement pesé sur les finances publiques de la Guinée entre 2000 et 2003. A Cela il faut ajouter la sous exploitation de son potentiel fiscal : son taux de pression fiscale représente à peine 11% alors que dans la plupart des pays ouest-africains, ce taux avoisine les 20%. Au Nigeria, le repli des cours mondiaux du pétrole en 2002 a eu des effets négatifs sur le solde budgétaire. Tandis qu’en 2003, ce sont surtout la majoration du budget de la Sécurité nationale (pour lutter contre les violences ethniques et religieuses) et l’organisation des jeux panafricains (construction d’un nouveau stade et rénovation des anciens) et la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth qui ont grevé le budget national.

En somme, en assemblant les évolutions séquentielles décrites supra, on obtient le graphique ci-dessous, qui montre :

  1. des évolutions individuelles disparates : le solde budgétaire du Nigeria alterne phases d’excédents et de déficits confirmant la dépendance des finances publiques par rapport à l’évolution du cours du pétrole. Celui du Ghana se distingue par sa sensibilité au cycle électoral et de fortes amplitudes. Bien que déficitaire sur toute la période observée, le solde budgétaire de la Guinée apparait tout même comme le plus stable et le proche de l’équilibre.
Graphique 4.3 : Soldebudgétaire en % du PIB dans les pays non membres de l’UEMOA

Source : Elaboré à partir des données de la Banque Africaine de Développement ( www.afdb.org )

Aussi les trajectoires des déficits publics sont-elles influencées par les niveaux des dettes publiques. En effet, comptabilisés dans le poste "dépenses courantes" des TOF des Etats, les intérêts que génèrent les dettes viennent en diminution du solde budgétaire. Lorsque celui-ci est chroniquement déficitaire, comme c’est le cas ici, ces intérêts font naître une dynamique auto entretenue de la dette qualifiée, dans la littérature, d’"effet boule de neige" et posent la question de soutenabilité. Cette interrogation laisse supposer l’existence d’une limite au-delà de laquelle ces dettes publiques deviendraient insoutenables. Des analyses, reposant sur le taux de croissance et le taux d’intérêt (voir p 214), permettent d’approcher cette limite, mais il n’y a pas de consensus autour d’une valeur unique. Wyplosz (1990), par exemple, situe le seuil supportable entre 150 et 250 % du PIB tandis que les rédacteurs du rapport Emerson supposent que dès que le ratio de dette excède 100% du PIB, il devrait immédiatement être stabilisé. Quoiqu’il en soit, on peut se fonder sur les différentes initiatives d’allégement des dettes pour considérer que les pays ouest-africains candidats à la seconde zone monétaire ont franchi le seuil soutenable depuis le début des années 80208. Enfin, ces pays n’ayant pas de limites définies pour leur ratio dette/PIB, on étudie la question en se référant au seuil que se sont fixés leurs voisins de l’UEMOA, à savoir un plafond de 70%.

Graphique 4.4 : Dette extérieure totale en % du PIB dans les pays non membres de l’UEMOA

Source : l’auteur sur données tirées du site de la BAD ( www.afdb.org )

Bien que ne prenant en compte que de la composante extérieure, les niveaux des dettes restent très élevés dans cet ensemble. On remarque toutefois que jusqu’en 1985, l’endettement extérieur était relativement faible par rapport aux pays de la zone franc. C’est à partir de 1986 que les ratios de dette ont commencé leur ascension. L’antériorité des réformes ghanéennes explique l’exception de ce pays avant les dérapages budgétaires du début des années 90. Toutefois, dans ce pays, une tendance à la baisse est amorcée depuis 2001. Une tendance à la baisse s’observe également au Nigeria depuis 1995. Si la Guinée ne s’est jamais éloignée du seuil, elle n’a tout de même pas pu descendre en deçà depuis qu’elle l’a franchi en 1986. Idem pour la Gambie. Quant à la Sierra-Leone, son cas reste le plus éloigné du seuil et aucune tendance à la baisse ne s’est réellement esquissée à l’exception de la période 1995-1998. C’est dire que le respect du seuil d’endettement fixé dans l’UEMOA, s’il est retenu pour le passage à la monnaie unique CEDEAO, risque d’être difficile à réaliser dans cet ensemble dans la mesure où la prise en compte de la dette intérieure – pour la période (2000-2004) dont on dispose de données – montre des niveaux excédant les 100% quasiment partout. C’est peut être pour cette raison que ce paramètre n’a pas été expressément retenu par les concepteurs de la seconde zone monétaire comme un critère, malgré son importance dans la soutenabilité budgétaire.

Tableau 4.4 : Aperçude l’évolution de la dette publique totale (en % du PIB)
  2000 2001 2002 2003 2004
Gambie 157,3 150,7 - 203,4 151,3
Ghana 144,0 133,1* 129,1* 106,8* 72,9
Guinée 107,4 116,0 110,0 96,8 97,3
Nigeria 83,5 - - - 68,8
Sierra Leone 215,1 - 172,8 172,8 178,0

Source : IMAO ; * IMAO (pour la composante intérieure) et la BAD (pour la composante extérieure).

Notes
207.

L’élection présidentielle de décembre 2000 a porté au pouvoir John Kuffor.

208.

Allusion à la crise de la dette qui a éclaté à la fin de la première moitié de la décennie 80.