b. Coopération sur fond de concurrence

Grâce à la capacité de coordination, d’appui et de contrôle dont dispose la Commission245, l’UEMOA a obtenu plus de résultats, en quinze ans d’existence que la CEDEAO, en plus de trente ans d’existence. Par exemple l’Union douanière est effective depuis 2000 au sein de l’UEMOA alors que, comme on l’a montré ci-dessus, elle peine toujours à prendre forme dans la CEDEAO. Grâce à la surveillance multilatérale et à la batterie de sanctions qui l’accompagne, les critères de convergence macroéconomique sont mieux suivis dans l’UEMOA ; le cadre juridique des affaire mieux harmonisé grâce à l’action de l’OHADA ; les institutions fonctionnent avec plus d’efficacité et leur mode de financement est mieux élaboré ; etc. Cependant, si jusque-là les dirigeants des pays hors UEMOA ne voyaient dans ces réformes qu’une façon de compléter et de renforcer la zone franc CFA, après son ébranlement par la dévaluation, l’instauration du tarif extérieur commun (TEC) –qui est une mesure protectrice– est perçue par la CEDEAO comme une mesure séparatrice. On peut donc penser que l’approche accélérée 246 négociée par le Nigeria et le Ghana (le deux principaux pays de la partie hors UEMOA de la région) est une façon subtile de s’offrir un cadre légal de riposte. En tout cas depuis 1999, le Ghana et le Nigeria s’activent énormément à redynamiser la CEDEAO. Certains analystes n’hésitent pas à établir un parallèle avec le renforcement de l’intégration régionale au sein de l’UEMOA depuis 1994. Au rang des initiatives ghanéennes et nigérianes, citons : le projet de création de la deuxième zone monétaire (en cours de réalisation), la création d’une Cour de justice, d’un Parlement, d’un Conseil économique et social, …. Quand on sait que dans l’UEMOA, il existe déjà une union monétaire, un Comité interparlementaire, une Cour de Justice et une Cour des comptes, on ne peut s’empêcher d’entrevoir un processus de "concurrence".

L’approche accélérée, tout en autorisant un processus d’intégration à plusieurs vitesses247, se veut pourtant convergente. C’est dans ce cadre que s’inscrit le programme d’harmonisation engagé entre les deux institutions. Pour être précis, il s’agit plutôt d’une harmonisation des cadres structurants. Une précision utile dans la mesure où les écarts entre les taux de réalisations des programmes sectoriels d’intégration dans les deux institutions ne permettent pas une convergence au sens mathématique du terme. Faute de pouvoir coercitif, les programmes développés par la CEDEAO sont faiblement appliqués. Si bien que n’eut été le complexe de supériorité du Nigeria et du Ghana, les pays hors UEMOA devraient, à l’image des pays de l’Europe de l’Est, s’aligner tout simplement sur les standards de l’UEMOA et engager un processus de rattrapage. Mais une des singularités du processus d’intégration de l’Afrique de l’Ouest, c’est que, ce n’est pas la partie qui devrait jouer le rôle moteur qui le joue248. Ceci pose un problème de traction qui hypothèque les chances de réussite du processus.

Notes
245.

Des pouvoirs que les membres ont voulu lui concéder pour lui permettre de mener à bien les missions qu’ils lui ont assignées.

246.

De par son principe

247.

En permettant que des initiatives présentées par deux ou plusieurs membres puissent être adoptées.

248.

De par sa suprématie économique et démographique, c’est le Nigeria qui aurait facilement pu jouer le rôle de pôle intégrateur. Mais malheureusement sa mauvaise gouvernance politique et économique le fait plutôt passer pour un "géant aux pieds d’argile ».