Section 2 : Transition vers une union monétaire en Afrique de l’Ouest

D’un point de vue méthodologique, "l’approche à deux volets" adoptée par les Etats membres de la CEDEAO en 1999 est incontestablement le meilleur scénario pour parvenir à l’Union monétaire régionale. En effet, constituer une seconde union monétaire entre les six pays à autonomie monétaire permet d’aligner ces pays sur les normes de politiques économiques et monétaires de l’UEMOA en vue de favoriser une convergence avant de procéder à l’instauration de la monnaie unique régionale. Ce qui est souhaitable dans la mesure où l’économie régionale ne pourra pas supporter les effets qu’induirait la méthode du "big-bang" à l’allemande266.

Cependant, la faiblesse de l’approche réside dans le moyen mis en œuvre pour atteindre l’objectif, c’est-à-dire le maintien du "programme de convergence macroéconomique" comme préalable à l’instauration de l’union monétaire. Une telle exigence n’est ni supportable pour les six pays susnommés (pour former la seconde union monétaire), ni supportée par les pays membres de l’UEMOA (actuellement dans le cadre du programme de surveillance multilatérale entré en vigueur depuis 1999). Même les pays européens de la zone euro – initiateurs de cette stratégie – n’arrivent pas à respecter les critères de convergence qu’ils avaient adoptés.

Si l’approche dite "unifiée" proposée récemment par la Commission de la CEDEAO en remplacement de "l’approche à deux volets" peut être perçue comme une reconnaissance implicite du caractère inadapté de cette dernière, il y a lieu de noter son irréalisme. En effet, en conditionnant l’adoption de l’union monétaire au seul respect de critères de convergence, elle ne se démarque pas fondamentalement de la première ; pire encore, elle place les pays membres de l’UEMOA et les six pays à autonomie monétaire sur un pied d’égalité267. En fixant à 75% du PIB régional la taille minimale que tout groupe de pays candidats désirant prendre les devants doit avoir, elle rend la participation du Nigeria indispensable puisque celui-ci représente plus de 50% du PIB. Même si les 14 pays restants remplissaient les critères de convergence, l’union monétaire ne pourrait pas entrer en fonction puisqu’arithmétiquement ces pays ne peuvent pas atteindre le seuil fixé.

Enfin, il est peu probable que les pays membres de l’UEMOA puissent accepter de s’engager dans un projet de création d’une monnaie régionale sans avoir l’assurance de pouvoir préserver leurs acquis en matière de discipline monétaire268.

Dans cette section, nous proposons une approche pragmatique, fondée sur l’adoption d’une stratégie réaliste et progressive mettant à profit l’expérience de l’UEMOA. Une telle démarche passe avant tout par l’identification des problèmes qui entravent en amont la réalisation du projet d’unification monétaire régional puis par la proposition de solutions. Elle passe enfin par la conception d’une démarche à suivre qui soit économiquement supportable et politiquement acceptable.

Notes
266.

L’unification monétaire de l’Allemagne, intervenue en 1990, s’est faite sans convergence et quasiment sans transition (puisque celle-ci n’a duré que 6 mois, le temps de définir les modalités pratiques). L’opération a bénéficié, cependant, de deux facteurs importants (qui n’existent pas dans le contexte ouest-africain) : la solidité de l’économie de l’Allemagne de l’Ouest et le cadre politique fédéral qui a facilité, par ses mécanismes de transferts et de redistribution, l’absorption des effets induits.

267.

Ce qui est une aberration compte des 46 ans d’expérience des pays membres de l’UEMOA en matière de gestion monétaire commune. Rappelons que l’UMOA (actuellement UEMOA) a été créée en 1962.

268.

Exactement comme l’Allemagne dans la construction de l’UEM européenne.