2.1.2 La prépondérance du Nigeria

La prédominance économique, militaire et démographique du Nigeria le prédestinait au rôle de chef de file dans le processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, à l’image de l’Afrique du Sud dans le COMESA. Mais, compte tenu de sa mauvaise gouvernance, il ne peut pas assumer cette responsabilité, du moins dans le domaine monétaire. Pire encore, il se transforme en dilemme. En effet, l’idée à la base du processus d’intégration en Afrique de l’Ouest est de pallier la balkanisation de la région, car, comme il apparaît dans le tableau ci-dessous, plus de la moitié des pays n’ont même pas 10 millions d’habitants (la Gambie et la Guinée-Bissau ont moins de 2 millions d’habitants). Dans ce cadre, la participation du Nigeria est indispensable, car, cela permettrait à la région d’avoir une certaine taille critique. Cependant, sa prépondérance est telle qu’il pourrait mettre en péril l’Union, s’il était confronté à crise comme celle que la Côte-d’Ivoire a connue récemment. Or, outre le risque que représente un fédéralisme politique non maîtrisé, le Nigeria est confronté depuis très longtemps à une rébellion armée dans la région du delta, sans parler des tensions politiques et sociales qui perturbent épisodiquement le processus de démocratisation qu’il tente de mettre en place.

Tableau 5.4 : Comparaison du Nigeria avec le reste de la région
Population (en millions) PIB(en milliards de $ US)
Bénin 8,7 4,829
Burkina Faso 13,6 6,270
Côte-d’Ivoire 18,4 16,979
Guinée-Bissau 1,6 337
Mali 13,9 5,990
Niger 14,4 2,759
Sénégal 11,9 9,275
Togo 6,3 2,273
UEMOA 88,8 48.712,9
Gambie 1,5 278,7
Ghana 22,5 13.935
Guinée 9,6 5.377,3
Sierra-Leone 5,5 2.400
ZMAO (sans Nigeria) 39,1 21.991
UEMOA+ZMAO (sans Nigeria) 127,9 70.703,9
Nigeria 134,3 97.700,9

Source : élaboré par l’auteur sur données de la B.A.D (2006).

La « neutralisation » du poids du Nigeria ne peut se concevoir que dans une union monétaire incomplète, c’est-à-dire l’adoption d’une monnaie commune et non une monnaie unique. En tout cas, avant que ce pays ne fasse preuve de rigueur budgétaire et monétaire, il n’est pas souhaitable de le voir participer dans une forme contraignante d’ancrage à coté de petits pays à économies faibles et fragiles comme la Gambie, la Guinée-Bissau, ….

Il est possible aussi d’imaginer une union monétaire sans le Nigeria au départ. Cette option est conforme d’ailleurs à l’esprit de "l’approche à géométrie variable" en œuvre dans les autres domaines de l’intégration régionale. Pour l’intérêt de l’Union, il peut être demandé au Nigeria (si lui-même ne le propose pas) d’accepter un statut « d’observateur » (comme le font le Cap-Vert et le Liberia dans le cadre de la ZMAO) ou toute autre forme de coopération monétaire à l’exception du partage d’une monnaie unique. Il pourra participer en revanche dans tous les autres volets de l’intégration régionale, à l’image de l’Angleterre dans l’UE. Comme on le verra plus loin, si cette dernière option était adoptée, alors l’élargissement de l’UEMOA pourrait être facilité.