2.2.1 L’africanisation complète de l’UEMOA

Sans tenir compte de la fraction de ses avoirs extérieurs déposée au Trésor français, la BCEAO couvre à plus de 100% son émission monétaire par des avoirs officiels depuis 1997 (rapport annuel, 2003). Depuis 2005, elle n’accorde plus d’avances aux trésors publics nationaux. Elle jouit d’une certaine indépendance et fait preuve de rigueur dans sa gestion,… Autant d’éléments qui laissent supposer que l’UEMOA est désormais en mesure d’assurer la convertibilité de la monnaie qu’elle émet et pourrait, de ce fait, franchir un pas supplémentaire dans son émancipation de la tutelle française.

Le principal problème à gérer est l’ancrage psychologique de la garantie française dans les mentalités aussi bien des populations de la zone que des investisseurs internationaux. En effet, la perspective d’une sortie de l’UEMOA de la zone franc risque de susciter des inquiétudes chez les populations locales pour lesquelles, la crédibilité du franc CFA repose exclusivement sur cette garantie. Ce sentiment d’inquiétude pourrait être ressenti également par les investisseurs étrangers opérant dans la zone dont la confiance dans le franc CFA est un sous produit de la confiance qu’ils (avaient dans le franc français) ont dans l’euro. Et pourtant, comme le note Ouédraego (1999), « les mécanismes de mise en jeu de cette garantie en font un moyen de défense de 3 e ligne, après les mesures internes prises par les Etats de leur propre chef, puis celles imposées par le FMI en contrepartie d’accords de financement ». En plus, hormis la décennie 80 où certains Etats ont présenté des positions débitrices, la garantie n’a quasiment pas joué. C’est dire que la valeur du franc CFA est en « réalité » défendue par les pays émetteurs eux-mêmes. Ce qui est tout à fait conforme à l’objectif recherché, à savoir amener les pays africains de la zone à couvrir leur émission monétaire par leurs avoirs extérieurs. Une campagne d’information des populations devrait, en principe, permettre le changement de la perception actuelle du franc CFA.

Il faudrait donc encourager les pays membres de l’UEMOA à se retirer progressivement des accords de coopération monétaire avec la France. De toute façon, l’inadaptation de ces accords est largement reconnue dans le milieu académique et, comme on l’a vu dans le chapitre 1, plusieurs faits concrets l’illustrent. On peut supposer que les dirigeants politiques de ces pays ne seront plus difficiles à convaincre surtout que l’arrimage du franc CFA à l’euro était estimé (par les économistes) n’être soutenable que si celui-ci ne s’appréciait pas durablement par rapport au dollar. Or, c’est exactement le scénario qui se produit sans discontinuer depuis 2001. Toutefois, le retrait doit être organisé afin que l’UEMOA ne se disloque pas à la sortie279, car c’est elle qui doit servir de socle à l’Union monétaire régionale. En tant que rupture négociée, des modalités techniques raisonnables seront définies conjointement (c’est-à-dire par concertation entre la France et les pays africains concernés). Pendant ce temps, les pays non membres de l’UEMOA devront coordonner leur politique de change.

Notes
279.

Par exemple, des conflits d’intérêts peuvent naître au moment de la réorganisation du système ; de même, le principe d’égalité (égalité en droit et en obligation entre les membres) sur lequel repose l’UEMOA en ce moment appellera inévitablement une révision. Sans esprit consensuel, les luttes d’intérêts au moment de l’élaboration des règles de la politique monétaire commune pourraient compromettre l’union. Ce risque de dislocation ne doit pas, cependant, servir de justificatif à l’inertie qui a prévalu jusqu’ici. Certes, la prudence s’impose, mais un minimum d’audace est également nécessaire, car aucun plan ne peut présenter un niveau de risque nul.