2.2.2 Une politique d’ancrage par le change dans le court terme pour les pays non membres de UEMOA

L’Union monétaire suppose une évolution vers un régime de change fixe, voire la disparition des taux de change (en cas d’adoption de la forme la plus poussée, c’est-à-dire l’union monétaire avec monnaie unique). Ceci étant la question du régime de change se pose dans les pays hors UEMOA dans cette perspective d’unification monétaire. Car, l’évolution en ordre dispersé et surtout les risques d’instabilité inhérents aux régimes de flottement (actuellement suivis par ces pays) ne favorisent pas une convergence des taux de change vers l’objectif visé. C’est pourquoi il faudrait inciter ces pays à adhérer progressivement à un système de taux de change fixe pour enrayer les anticipations inflationnistes. Pendant la transition, ils pourront, par exemple, arrimer leurs monnaies à une monnaie extérieure ou un panier de monnaies en fonction de la structure leur commerce extérieur. Selon Bénassy-Quéré et al (2000), l’usage d’un ancrage commun permet de stabiliser les taux de change intra-régionaux. De l’avis de Honohan et Lane (2001)280, les pays africains devraient recourir, dans le cadre de la politique monétaire, à un point d’ancrage nominal extérieur compte tenu de l’étroitesse du marché régional.

Les pays ouest-africains non membres de l’UEMOA pourront même adopter collectivement un panier commun de monnaies ou définir chacun son panier. Selon Williamson (1999), dans les deux cas le résultat reste toujours positif. En effet, dans une étude portant sur neuf pays d’Asie, cet auteur montre que les taux de change effectifs réels à réaliser par chacun des pays dans un ancrage sur un panier commun (composé des trois principales devises) ne sont pas plus instables que ceux qu’ils auraient réalisé séparément dans un panier d’ancrage optimal défini en fonction de leur structure commerciale.

Toutefois, l’ancrage à une seule monnaie présente deux avantages supplémentaires : 1°) il facilite la coordination, 2°) il facilite la vérification pour les agents économiques. Compte tenu de l’importance des proportions de leurs importations en provenance des pays de l’UE et des leurs exportations à destination de ces pays (voir tableau 5.4), les pays ouest-africains hors UEMOA pourraient bien adopter l’euro comme monnaie de référence (sauf peut-être le Nigeria qui exporte beaucoup vers les Etats-Unis aussi et qui, en principe, aurait plutôt intérêt à choisir un panier composé de l’euro et du dollar). Un tel choix permettrait d’éviter les répercutions des fluctuations du taux de change entre l’euro et le dollar sur le rapport de change qu’ils devraient établir entre leurs monnaies et le franc CFA (qui, lui, est ancré strictement à l’euro).

Tableau 5.5 : Ouverture commerciale des pays candidats à la ZMAO vers l’UE et les USA
 
Importation (en % des importations totales) en provenance de Exportation (en % des export., totales) vers
U.E U.S.A U.E U.S.A
Pays année 1998 2000 2002 1998 2000 2002 1998 2000 2002 1998 2000 2002
Gambie 49,9 66,6 58,6 7,1 3,7 4,1 83,5 17,1 64,1 0,4 1,4 2,9
Ghana 49,4 68,2 27,1 13,6 10,9 10,8 56,5 60,9 54,4 2,1 1,5 20,7
Guinée 44,1 42,7 41,0 6,9 5,5 6,8 54,6 63,2 56,4 20,8 11,5 16,4
Nigeria 49,0 51,8 39,1 14,0 11,1 10,2 37,1 22,4 23,2 37,3 42,6 41,1
S. Leone 29,2 18,9 21,9 12,3 11,2 5,1 n.d n.d n.d n.d n.d n.d

Source : CEDEAO

En tout cas Brana et al (2001) notent que tous les pays ayant mis en place avec succès une politique de stabilisation en situation de forte inflation ont utilisé l’ancrage nominal par le change. Le seul problème est que les taux de croissance économique moyens sont plus élevés dans les pays à taux de change flexible, ajoutent les auteurs. C’est pourquoi la période de transition doit être assez courte. Pour Sachs (1997), l’ancrage ne doit pas durer plus de 2 ans. Dès qu’un certain niveau de crédibilité est donc atteint par un pays, son admission dans l’UEMOA (affranchie de sa tutelle française) devrait être possible.

Notes
280.

S’exprimant sur le projet de création d’une monnaie unique pour toute l’Afrique en 2025 (projet piloté par l’Union Africaine) et qui doit passer justement par l’instauration d’union monétaire dans les sous-ensembles régionaux (UMA, CEDEAO, SADC, COMESA,…) puis par fusion entités ainsi formées.