2.2.3 Insertion dans l’UEMOA des pays de la CEDEAO réussissant la transition

L’étude historique menée dans le deuxième chapitre a révélé des expériences d’unions monétaires réussies et qui, pourtant, ont été constituées après une brève période de transition et sans passer par des critères de convergence. C’est dire que la stratégie adoptée par les pays européens pour la création de l’euro n’est pas l’unique voie pour atteindre l’union monétaire. Ne serait-il pas d’ailleurs relativement plus facile pour un pays membre de l’union monétaire de pouvoir respecter les critères de convergence par rapport à un pays candidat ? Considérons par exemple, le critère "inflation". Lorsque la Guinée-Bissau faisait son entrée dans la zone franc en 1997, son taux d’inflation était de 34,13%. Comme le montre le graphique ci-dessous, la tendance baissière qu’elle a amorcée en 1998 ne s’est plus retournée. Deux ans après son admission, son taux d’inflation est descendu sous la barre des 5% que l’UEMOA se fixe comme norme dans le cadre de son programme de surveillance multilatérale.

Graphique 5.1 : Evolution de l’inflation en Guinée-Bissau avant et après adhésion à la zone franc

Source : Construit à partir des statistiques financières internationales du FMI et de la BAD

Ce n’est pas que l’adhésion à la zone franc ait amélioré la situation économique de la Guinée-Bissau, mais le fait d’avoir accepté le principe de gestion de la BCEAO qui a conduit les autorités monétaires à œuvrer pour respecter les normes de la zone. Tandis que les pays candidats à la seconde union monétaire de l’Afrique de l’Ouest n’étant soumis ni à engagement moral, ni à des sanctions ne fournissent pas le même effort pour maintenir dans le temps une performance réalisée à la fin d’une année donnée. Par exemple, en 2000, la Gambie remplissait les 4 critères de premier rang du programme de convergence mis en place ; 3 ans après, elle ne respectait aucun critère. Dans la mesure où il est impossible de sauvegarder les résultats, il est peu probable que ces pays parviennent à satisfaire les critères de convergence, tous ensemble et en même temps. Pour sortir de l’impasse actuelle, il faudrait suivre l’exemple de l’UEM européenne avec les PECO. Autrement dit, dans le cas particulier de l’unification monétaire, accepter que l’UEMOA soit l’organisation intégratrice. Pour commencer, la CEDEAO devrait persuader le Nigeria de prendre une « option d’entrée » non exerçable tout de suite et encourager les autres pays à adhérer progressivement à l’UEMOA.

Potentiellement, l’UEMOA est en mesure d’intégrer tous les autres pays : pour la Guinée, ça ne sera, en quelque sorte, que le retour d’un ancien membre ; la Gambie et la Sierra-Leone sont des petits pays de la taille de la Guinée-Bissau, leur intégration ne devrait pas poser de problème à l’UEMOA. Quant au Ghana, il ne représente qu’environ 28% du PIB de l’UEMOA ; son intégration permettra même d’équilibrer l’Union dominée en ce moment par la Côte-d’Ivoire.

La convergence de l’inflation devrait être le seul critère à l’entrée et ce afin d’éviter que l’Union ne souffre d’un biais inflationniste. Les autres critères ne devront s’appliquer aux nouveaux adhérents qu’après un délai de 2 ans (période que les membres actuels de l’UEMOA se sont donnés pour s’astreindre à respecter ces critères après leur adoption en 1999). Cette approche nous semble non seulement moins coûteuse que l’approche à deux volets (c’est-à-dire création d’une 2e union monétaire puis fusion de celle-ci avec l’UEMOA), mais favorisait d’ailleurs plus rapidement la convergence de l’inflation. Elle permet aussi de déboucher sur le même résultat que l’approche à deux volets, c’est-à-dire ramener « l’équation monétaire » de la région de 7 monnaies à 2 (on aura une monnaie pour les 14 pays autres que le Nigeria plus le "naira" nigérian).

En tout cas, dans la mesure où les pays ouest-africains réalisent l’essentiel de leur commerce en dehors de la région, rien ne les incite à consentir les importants efforts nécessaires à la réalisation d’un programme de convergence étalé sur plusieurs années. Si les PECO y arrivent progressivement, c’est surtout parce que l’UE constitue leur principal marché281, mais aussi parce que l’adhésion à la zone euro est individualisée. Pour encourager les pays ouest-africains à avancer dans ce projet de monnaie unique, il faut trouver une méthode économiquement peu coûteuse et politiquement acceptable. Sans cela, cet objectif de monnaie unique risque l’enlisement.

Notes
281.

La détermination des PECO s’explique en grande partie par l’importance que revêt le marché de l’UE pour eux. Par exemple en 2000, 72% des exportations de la Bulgarie étaient destinées à l’UE et 64,1% de ses importations provenaient de l’UE ; pour la Roumanie, ces proportions sont respectivement de 55% et de 64,6%. Bref, tous les PECO ont des échanges avec l’UE qui dépassent les 50% de leur commerce total. Alors que les pays ouest-africains consacrent en général moins