2.3.2 L’existence d’un socle socio-culturel commun et de relations commerciales et cambiaires transfrontières

L’idée de fédération que certains chefs d’Etat avaient voulues promouvoir au lendemain des indépendances visait la recomposition de sociétés proches ou alliées traditionnelles que l’arbitraire tracé colonial des frontières avait séparées et que le principe d’intangibilité des frontières continue de séparer. Les régions de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale illustrent parfaitement la nécessité de transcender les frontières issues de la colonisation pour reconstituer un ensemble démographique et géographique homogène. En effet, sur le plan climatique, la région ouest africaine dépasse l’espace institutionnel de la CEDEAO : la zone sahélienne s’étend de la Mauritanie au Tchad et le golf de Guinée couvre la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Togo, le Nigeria et le Cameroun. Sur le plan démographique, « la majorité de la population [de cet ensemble] appartient à la même famille linguistique, celle du Niger-Congo non Bantou287. Bref, une bonne partie des populations du Cameroun, de la Mauritanie et du Tchad partagent des langues et des traditions avec les populations de l’Afrique de l’Ouest. Rappelons, par exemple, qu’à l’accession à l’indépendance, le Nord du Cameroun288 (sous mandat britannique) a décidé, par référendum (en 1961) de se rattacher au Nigeria (le Sud rejoignant l’ancien Cameroun français). Cette fragmentation de l’espace régionale crée des relations commerciales et cambiaires transfrontières intenses entre le Cameroun et le Nigeria, d’un côté et entre la Mauritanie, le Mali et le Sénégal, de l’autre côté. Les routes trans ouest-africaines (l’une reliant Dakar à N’Djamena et l’autre, Nouakchott à Lagos) en cours de réalisation prouvent également que les frontières naturelles de la région ouest-africaine dépassent le cadre actuel de la CEDEAO.

Source : colorié par nous

L’instauration d’une union monétaire sur un tel socle permettra de mettre fin aux marchés parallèles de devises autour de la zone franc CFA (aux frontières Cameroun-Nigeria, côté CEMAC, aux frontières des pays membres de l’UEMOA avec leurs partenaires de la CEDEAO) et de réduire l’ampleur du commerce parallèle dans ces différentes frontières. Seulement, dans la mesure où la CEDEAO n’a pas son équivalent en Afrique centrale, c’est l’UEMOA qui devrait conduire de telles négociations. Ceci n’aura rien de contradictoire puisque CEDEAO et UEMOA ont toutes deux pour vocation la promotion de l’intégration régionale. Quant au régime de change à adopter vis-à-vis des devises fortes, le choix est large. Le seul à éviter est la reproduction du principe de la zone franc, si d’aventure la région sollicitait et obtenait le « parrainage » de l’Union européenne.

Notes
287.

L’Afrique de l’Ouest : « une région en mouvement, une région en mutation, une région en voie d’intégration », Club du sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE, Document de travail, février 2007. www.oecd.org/sah.

288.

Après le mandat allemand (1884-1916), le Cameroun a été partagé entre un mandat anglais et un mandat français