A. Le choix d’Athènes

Pour justifier le choix d’Athènes il est nécessaire de faire une brève description de l’urbanisation en Grèce pendant le XIXe siècle. Tout au long du XIXe siècle et même au début du XXe, le royaume s’agrandit suite à des annexions successives : en 1864 des îles ioniennes, en 1881 de la Thessalie et la région d’Arta, et enfin avec la majorité de la Grèce du Nord actuelle et les îles de l’Archipel, après les guerres balkaniques de 1912-1913. Grâce à ces annexions mais aussi grâce à l’accroissement naturel de la population et aux Grecs de l’étranger qui regagnaient le pays (et qui s’installaient surtout à Athènes, au Pirée et à Phtiotide)3, en un siècle, la population du pays a presque quintuplé : de 938.765 habitants en 1821, elle atteint les 5.016.889 habitants en 1920.

Tableau 1 : Population, surface et densité de la Grèce au XIXe et au début du XXe siècle
Année 4 du Recensement Population Surface Habitants/ km 2
1821 938.765 47.516 19,76
1828 753.400 47.516 15,86
1838 752.077 47.516 15,83
1839 823.773 47.516 17,34
1840 850.246 47.516 17,89
1841 861.019 47.516 18,12
1842 853.005 47.516 17,95
1843 915.059 47.516 19,26
1844 930.925 47.516 19,58
1845 960.236 47.516 20,21
1848 986.731 47.516 20,77
1849 998.217 47.516 21,01
1850 995.913 47.516 20,96
1851 998.134 47.516 21,01
1852 1.003.191 47.516 21,11
1853 1.035.527 47.516 21,79

Suite du tableau de la page précédente

Année du Recensement Population Surface Habitants/ km 2
1854 1.041.270 47.516 21,91
1855 1.050.650 47.516 22,11
1856 1.062.627 47.516 22,36
1861 1.096.810 47.516 23,08
1870 5 1.457.894 50.211 29,04
1879 1.679.470 50.211 33,45
1889 6 2.187.208 63.606 34,39
1896 2.433.806 63.606 38,26
1907 2.631.952 63.211 41,64
1920 5.016.889 127.000 39,50

Sources: Office National Statistique de Grèce, Résultats des recensements de la population grecque, 1889 et 1907. M. Chouliarakis, (1974). D. Fragkos, (1980).

Dans l’espace qui constitue en 1830 le royaume indépendant, il n’existait pas encore de villes importantes. « Même avant la révolution, la majorité de la population vivait à la campagne et la guerre a vidé complètement la plupart des bourgs qui existaient à la fin du XVIIIe siècle. La population qui était concentrée dans les villages, ne dépassait jamais les 2.000 habitants par village, et ne peut pas être considérée à cent pour cent comme une population urbaine »7. Les premières références officielles sur la population urbaine, apparaissent dans le recensement de 1879, puis dans celui de 1907. Dans ce dernier, on relève un tableau qui présente la taille des chefs-lieux des départements et des villes ayant 5 000 habitants au moins, en 1907 d’après chaque recensement pour la période 1853-19078.

A partir de ce tableau et en acceptant la répartition9, selon laquelle les agglomérations de 2.000 à 5.000 habitants sont des bourgades, celles de 5.000 à 10.000 sont de petites villes et celles de plus de 10.000 habitants sont de « grandes » villes, on peut construire le tableau suivant :

Tableau 2 : Répartition par taille des chefs-lieux des départements et des villes ayant 5.000 habitants au moins, en 1907 d’après chaque recensement depuis 1853-1907
Année Jusqu’à 2.000 habitants % De 2.001 à 5.000 habitants % De 5.001 à 10.000 habitants % De 10.001 à 20.000 habitants % Plus de 20.001 habitants % N de
Villes
1853 3 11,54 13 50,00 6 23,08 3 11,54 1 3,85 26
1856 4 15,38 14 53,85 3 11,54 4 15,38 1 3,85 26
1861 4 14,29 13 46,43 8 28,57 2 7,14 1 3,57 28
1870 4 12,90 12 38,71 10 32,26 3 9,68 2 6,45 31
1879 1 2,94 12 35,29 14 41,18 2 5,88 5 14,71 34
1889 1 2,44 9 21,95 19 46,34 7 17,07 5 12,2 41
1896 0 0.00 6 14,63 23 56,10 7 17,07 5 12,2 41
1907 0 0.00 2 4,88 25 60,98 9 21,95 5 12,2 41

Sources: Office National Statistique de Grèce, Résultats statistiques du recensement général de la population grecque le 27 octobre 1907, Athènes, 1909, Tableau 14, p.104-105.

Dès le recensement de 1861, on constate que le pourcentage des villes ayant jusqu’à 5.000 habitants commence à diminuer et celuides villes, petites ou grandes, commence à s’accroître à un rythme rapide. Mais ceci est dû au fait que les résultats du recensement de 1870 incluent les régions des îles ioniennes, annexées en 1864. Ainsi, apparaissent trois nouvelles grandes villes : Argostoli, Zante et Corfou. La même chose survient avec le recensement de 1889, qui englobe les régions de Thessalie et d’Arta. Encore trois grandes villes s’ajoutent : Larissa, Trikala et Volos qui dépasse les 20.000 habitants en 1907. Le seuil de 100.000 habitants sera dépassé seulement vers la fin du XIXe siècle et seulement par une ville : Athènes, dont la population atteint en 1889, 110.262 habitants.

Tableau 3 : Villes apparaissant sous la rubrique de plus de 20.000 habitants dans le tableau 2
  1853 1856 1861 1870 1879 1889 1896 1907
Athènes 30.590 30.969 41.298 44.510 65.499 110.262 123.001 167.479
Hermoupolis 19.981 16.830 18.511 20.996 21.540 22.104 18.760 18.132
Patras 15.854 15.131 18.342 16.641 25.494 33.529 37.985 37.724
Pirée 5.434 6.057 6.452 10.963 21.618 34.327 50.200 73.579
Corfou - - - - 24.420 27.633 28.371 28.254
Trikala - - - - - 13.610 21.149 17.809
Volos - - - - - 11.029 16.788 23.563

En effet, « l’une des caractéristiques de l’évolution de l’espace urbain en Grèce est l’urbanisation vive qui se concentre dans la région de la capitale, en association avec la stabilité ou le déclin des autres centres urbains, surtout durant la période des années 1880-1885 et jusqu’aux guerres balkaniques de 1912-1913 »11. La ville d’Athènes est donc, jusqu’aux guerres balkaniques, le centre urbain par excellence du jeune royaume. Par ailleurs, la documentation abondante qui demeure inexploitée, et le manque d’études font de ce choix un défi très séduisant.

Notes
3.

Nicolai Tondorov, La ville balkanique, XV e - XIX e siècle, Athènes, éditions Themelio, 1995, tome 2, p.455.

4.

Nous savons que les résultats du tableau n’obéissent pas à une série, mais c’est un problème qui provient du fait que les recensements en Grèce n’étaient pas effectués régulièrement.

5.

Après l’annexion des îles ioniennes (1864).

6.

Après l’annexion de la Thessalie et d’Arta (1881).

7.

Constantinos Tsoukalas, Dépendance et reproduction. Le rôle social des appareils scolaires en Grèce, Athènes, éditions Themelio, 1992, p.164-165.

8.

Office National Statistique de Grèce, Résultats statistiques du recensement général de la population grecque le 27 octobre 1907, Athènes, 1909, Tableau 14, p.104-105. Voir annexes, Tableau 1, p.313-315.

9.

Christos Loukos, « Les petites villes en Grèce (1830-1912). Problèmes de définition et de hiérarchie » in Cahiers d’histoire, tome 43, No 3-4, 1998, p.589.

10.

Pour les estimations sur l’effectif total de la population urbaine : voir annexes, Tableau 2, p.316.

11.

Constantinos Tsoukalas, 1992, p.178.