2. Les sources

I. Les sources manuscrites

a. L’état civil

Une question très importante pour l’histoire d’une ville est celle des comportements démographiques de sa population. L’approche longitudinale et donc le suivi générationnel aurait permis une analyse explicative des phénomènes et la recherche des facteurs et des processus causaux. C’est certain que l’analyse longitudinale est indispensable à la compréhension de la dynamique interne des phénomènes démographiques. S’agit-il en effet des phénomènes dus à une baisse de la mortalité et à une hausse de la nuptialité, de la fécondité et des naissances ? Ou bien sont-elles conséquence d’un mouvement migratoire important vers la capitale ? Pourtant, pour suivre et étudier une génération on a besoin de tous les trois types d’actes de l’état civil : les naissances, les mariages et les décès25. Malheureusement pour la période étudiée, la Mairie d’Athènes ne dispose que d’un nombre très limité d’actes de mariage qui n’est pas représentatif du nombre réel de mariages célébrés à l’époque. Pour l’ensemble de la période 1856–1910 on ne dispose que de 3.294 actes de mariage pour une population qui est de 43.371 en 1861 et de 175.430 habitants en 1907. Malgré les lacunes importantes présentées par cette source, j’ai décidé de dépouiller le total des actes de mariage du Service de l’Etat Civil afin d’éclairer quelques facettes des comportements démographiques des athéniens. Par ailleurs, l’accès des chercheurs aux archives des actes de naissances26 n’est pas autorisé.

Pourtant, le fond d’archive des actes de décès est complet. Selon Valaoras27, pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et pour le total du pays, l’enregistrement officiel des décès est effectué –en moyenne- pour 82% des décès. Nous pouvons donc considérer que les résultats tirés de l’analyse statistique des actes de décès du Service de l’Etat Civil sont représentatifs de la société athénienne. A cause du volume des actes de décès, j’ai choisi de faire trois coupes chronologiques : J’ai commencé le dépouillement des actes de décès de la décennie 185928-1868. Il s’agit au total de 11.838 actes de décès. Par la suite, j’ai dépouillé 11.790 actes de décès qui couvrent la période 1879-1884 et finalement, j’ai dépouillé encore 11.536 actes qui concernent la période 1899-1902. Cette approche ne permet qu’une étude « statique » mais on n’a pas d’autre choix.

De chaque acte je relève la date du décès, le sexe, l’âge au décès, l’état civil, la profession, le lieu d’origine et les lieux d’habitation et de décès de la personne décédée.

Le dépouillement systématique de cette source nous fournit des renseignements non seulement sur la mortalité et ses caractéristiques mais aussi sur la profession de la personne défunte, le lieu d’origine–surtout après 1861- et le lieu d’habitation. Pour ce dernier, je n’ai pas l’adresse exacte mais l’indication de la paroisse dans laquelle habitait la personne décédée. L’exploitation statistique de ces données me permettra tout d’abord de présenter les groupes socioprofessionnels et le lieu d’origine des habitants d’Athènes. Ensuite, la comparaison des professions avec le lieu d’habitation à Athènes et le lieu d’origine m’aidera à esquisser une image plus complète de la ville. Est–ce qu’il y avait une répartition sociale et un lien avec l’origine géographique des habitants ? Les actes de décès sont la seule source qui nous fournit des informations surle lieu d’origine de la personne. C’est sûr qu’en tant qu’unique source pour étudier le mouvement migratoire vers la capitale, ce n’est pas facile à traiter. On ne peut pas savoir à quel moment les personnes sont arrivées, à quel âge, si elles sont venues seules ou en famille, quel était leur statut social ou leur profession ainsi que celle de leurs parents. Bien entendu, on ne peut pas connaître l’afflux total vers la ville et on se contente de travailler sur les personnes que la ville retient. Malgré les problèmes que cette source présente, elle reste la seule disponible pour étudier l’apport extérieur.

Notes
25.

Pour une présentation de la législation concernant le système de l’état civil en Grèce, et pour une description des actes de décès et de mariage voir Annexes, p.317-327.

26.

L’excuse officielle des responsables est que les actes de naissance du Service de l’Etat Civil peuvent concerner des adoptions qui doivent rester secrètes. Il n’y a pas longtemps, E. G. Skiadas (maire adjoint) a fait publier un livre sur le Service de l’Etat Civil d’Athènes et ses archives. Il s’agit d’un simple enregistrement du nombre d’actes comportés par chaque tome. Leur dépouillement de données tellement importantes pour l’histoire démographique, et pour la recomposition virtuelle des familles de la capitale Grecque par des chercheurs historiens a été bloquée pour cause d’adoptions effectuées il y a 150 ans !

27.

Vasilios G. Valaoras, « A reconstruction of the demographic history of modern Greece », in The Milbank Fund Quarterly, April 1960, Vol. XXXVIII, No. 2, Tableau 4, p.135.

28.

Date à laquelle débutent les actes de décès.