B. Athènes lors de la Révolution « Une ville entière en ruine »

La révolution a été proclamée à Athènes le 25 avril 1821. Elle dure jusqu’en 1830, date à laquelle le protocole de Londres est signé et reconnaît que la Grèce est indépendante. Athènes change trois fois49 d’administration lors de cette période ; Les Grecs et les Ottomans détiennent tour à tour la ville. Les perdants, à chaque fois, sont isolés sur l’Acropole et beaucoup d’Athéniens se sauvent dans les îles du Golfe Saronique. En 1830, Athènes est en ruine. Les descriptions de la ville de cette période, obtenues grâce à des voyageurs et des écrivains de l’époque, sont révélatrices.

Dionissis Sourmelis écrit dans l’Histoire d’Athènes quelques années plus tard: « J’ai trouvé toute la ville en ruines, avec la plus grande part de l’oliveraie brûlée, les jardins, les vignobles et les champs réduits en cendres. Les quartiers de Patission et de Sepolia étaient amorphes, nus, et présentaient une vue misérable »50. Le voyageur et historien français J.F.Michaud, présent à Athènes en 1830, écrit : « Voici Athènes [...] il n’y existe pas de rue tracée au jour d’aujourd’hui. Nous marchons dans des tas de débris éparpillés, à travers un sentier qui a été formé au milieu des débris, en sautant à chaque pas afin d’éviter des tas de pierres, des morceaux de murs, des tambours de colonnes, éparpillés (allongés) dans la poussière… Aujourd’hui, il n’y a même pas de rue publique, de place publique, ni un jardin, un monastère, une église. Nous avons croisé des hiboux, […] symbole du désert aphone. C’est les seuls habitants d’Athènes dont on a eu pitié ces dernières années... »51 Alexandre Rizos Ragavis, lors de sa première visite à Athènes en 1830 s’est trouvé devant une ville qui « était couverte de nouveaux décombres sans forme sur des ruines ». Un an plus tard, lors de sa deuxième visite et alors que les Turcs avaient déjà l’Acropole en leur possession, la situation reste la même : «... Je suis resté à Athènes dans la vieille demeure à la fontaine de Borée [...]. Je la nomme demeure car à cette époque, presque dans toute Athènes, il n’y en avait pas en meilleur état. Il s’agissait cependant littéralement d’une ruine »52. En août 1832, Ludwig Ross s’écrie : « Ceci n’est pas la célèbre Athènes. Il ne s’agit que d’un tas de ruines, une immense masse grise […] sans forme, de cendre et de poussière, à travers laquelle surgissent une douzaine de palmiers et de cyprès, les seuls résistant à la désertion totale »53. Aux environs de la même période [1832-1833], J. L. Lacour, rattaché au régiment du général Maison, rend visite à Athènes : « Le cœur est blessé en arrivant à Athènes. De nouveaux vestiges couvrent les anciens […] Etroits, obscurs, bourbeux et irréguliers petits chemins. Magasins sales, puants avec des marchandises que même les vendeurs paysans ambulants de nos foires mépriseraient. Le tout est encerclé par un gros mur... »54.

La description d’Alphonse de Lamartine55 qui se trouvait à Athènes en août 1833 nous donne une image détaillée de la ville détruite. « Nous avons avancé un peu et nous sommes entrés dans la ville, c’est à dire dans un labyrinthe compliqué de petites ruelles couvertes de murs démolis, de tuiles cassées, de pierres et de marbres gisant de tous côtés; Nous montions et descendions de la cour d’une maison démolie sur les marches, ou même sur le toit d’une autre: et entre ces petits taudis blancs et misérables, des ruines d’autres ruines, quelques salles et d’étouffants taudis où s’entassaient des familles de villageois grecs. [...] Nous sommes sortis des ruelles anonymes et où personne n’avait jamais mis les pieds, en passant de temps en temps par des failles dans des murs, des maisons sans toits ou par des débris empilés sur la poussière blanche du sol d’Athènes. Lors de notre descente vers l’intérieur de la profonde et déserte vallée, sous l’ombre du Théssio, de la Pnika, de l’Aréopage et de la Colline des Nymphes, nous découvrions une grande surface occupée par une nouvelle ville qui s’étalait à notre gauche, similaire à tout ce que nous avions vu jusqu’ici. Un énorme et triste embrouillé de cabanes démolies, des morceaux de murs qui étaient encore debout, des toits engloutis, des potagers et des cours dévastés, des tas de pierres qui barraient la rue et dégringolaient sous nos pieds ; Le tout avec un teint de récente destruction, ce sombre et languissant gris fané, qui n’a ni le caractère saint de la vétusté ni le charme de la truite. Aucune trace de végétation, hormis trois ou quatre palmiers ressemblant à des minarets turcs qui sont restés sur la ville en ruine; de temps en temps quelques insignifiantes maisons avec un style moderne, construites récemment par certains Européens ou roums de Constantinople. Des maisons rustiques de France ou d’Angleterre, des toits s’élevant sans grâce, beaucoup de petites fenêtres, absence de véranda, de lignes architecturales, de décor; auberges éphémères construites en attendant la prochaine destruction; Rien qui rappelle les palais construits par les peuples civilisés croyant en eux-mêmes et aux générations futures ».

Lors de cette période la réduction de la population est dramatique. Alors qu’en novembre 1824 le recensement56 avait enregistré 9.040 habitants, au début de l’année 1831 leur nombre ne dépassait pas les 4.00057. Pour le nombre de maisons, au début du XIXe siècle selon C. Biris l’ancienne cité comprenait 1.500 maisons et 124 églises alors dans le recensement de 1824, 1.065 maisons sont enregistrées, distribuées dans 35 paroisses58.

Le 31 mars 1833, après l’accord des Forces Protectrices et l’arrivée d’Othon à Nauplie, la garde ottomane abandonne l’Acropole.

Notes
49.

Bien que les Ottomans se rendent en juin 1822, rien ne reste stable. Pour les quatre années qui suivent, les Ottomans tenteront encore au moins trois attaques ayant pour résultat la désertion de la ville par les Athéniens. Après l’invasion de Kioutahi à Athènes en août 1826, les Athéniens s’enferment à l’Acropole, où ils resteront jusqu’en mai 1827. La sortie des assiégés se fera avec la signature du traité du mois de mai 1827, selon lequel Athènes se rend aux Ottomans, et qui a comme résultat le départ des assiégés en bateau vers Salamine et Egine tout d’abord, puis par la suite vers Poros, Hydra, Syros et Tinos.

50.

Maître athénien, archiviste-paléographe, combattant de 1821. In C. Biris, 1995, p.9.

51.

C. Biris, 1995, p.9.

52.

Fanariote et homme de Lettres, poète, auteur théâtral, professeur d’archéologie à l’université d’Athènes et diplomate. In E. Koumarianou, 2005, p.285.

53.

Α. Politis, Les années Romantiques : idéologies et mentalités en Grèce 1830-1880, Athènes 1993, p.74.

54.

J. L. Lacour, Excursions en Grèce dans les années 1832 et 1833, Paris, 1834, p.170.

55.

Homme politique français et poète. In E. Koumarianou, 2005, p.300-301.

56.

Journal d’Athènes, numéro 21, 12 novembre 1824, (Bibliothèque centrale du parlement).

57.

Ioannis Travlos. Evolution de l’urbanisme d’Athènes de l’époque préhistorique au début du XIX e siècle, Athènes, 1960, p.235-36.

58.

Leonidas Kallibretakis, « Athènes du XIXe siècle », in Archéologie de la ville d’Athènes. Conférences scientifiques janvier – mars 1994, Athènes, 1996, p. 174. Georg Maurer, qui est arrivé à Athènes en 1833 lors de la première visite d’Othon notait qu’ « Athènes, qui avant la guerre libératrice comptait 3.000 maisons, n’en a même pas 300 de nos jours ».