C. L’entrée dans le XXe siècle

La construction d’Athènes, dès la fin du XIXe, est devenue sensiblement dense, surtout à l’ouest, vers les quartiers de Petralona, Rouf, Votanikos et Akadimia Platonos. Le Théssio et Petralona seront d’ailleurs les régions qui se développeront les décennies qui suivent, surtout à cause de l’usine de Poulopoulos qui y a été placée (1895), de l’usine de l’éclairage au gaz, des abattoirs municipaux et des mégisseries mais aussi à cause de l’ouverture de la rue Apostolou Pavlou en 1907. A l’est cependant, le Lycabette est entouré par des immeubles et des maisons commencent à encercler l’ensemble des collines de l’Acropole– Philopappou, qui depuis des années tenaient lieu de frontières au sud-ouest de la ville140.

En 1907 la superficie de la capitale couvre une surface d’environ 19 kilomètres carrés141 et la densité est de 75 habitants par hectare142. En 1908 Athènes est d’ailleurs séparée pour la première fois officiellement en 59 quartiers par l’ingénieur de la ville Athanassios S. Georgiadis.

En 1916, L. de Langalerie publie un article avec le titre « Athènes et son peuple », où il essaye de décrire l’Athénien moderne, sa mentalité et ses habitudes :

‘« Nous croyons connaître la Grèce : nous l’ignorons. Ce que nous en savons nous lie plus à son passé qu’à son présent. Combien est grande leur déception de se trouver en face d’une cité purement moderne, avec de larges avenues bien tracées, des squares plantés de palmiers, des maisons neuves richement ornées, mais d’un style qui sent la recherche et l’effort. C’est qu’Athènes se compose de deux villes : la ville antique, […], et la ville moderne. Depuis 40 ans surtout, Athènes n’a cessé de s’embellir à sa façon et de s’étendre.
Pour l’instant, Athènes reste toutefois ce qu’elle était encore hier : une ville bien construite, mais froide et mal tenue, où l’étranger, forcé d’y séjourner longuement, sent vite l’ennui le gagner, parce que les Grecs vivent en général entre eux, et ils n’aiment pas le contact de ceux qui ne sont pas des leurs.
Les cafés sont pleins, et on en compte jusqu’à 20 sur une superficie de 500 mètres. Mais la consommation est nulle. Le Grec a l’horreur de l’absinthe, et les apéritifs lui sont inconnus. Il se contente pendant des journées et de soirées entières, de siroter un verre d’eau. Dans la rue, du monde, beaucoup de monde même par moments. Mais la foule qui la peuple n’a ni cette vie, ni cette animation qui caractérise certains de nos grands centres comme Paris ou Marseille. Elle devient toutefois bruyante aux jours de fête, lorsque les Grecs, sous l’influence de quelque événement heureux, manifestent publiquement leur joie. Ils le font en tirant dans les rues et sur les places, des coups de feu. (…). Les Grecs sont prodigues en gestes. A cela, en général, se borne leur agitation. En revanche, le Grec est particulièrement badaud. Pour la moindre chose, il stationne des heures entières et cela n’importe où, sur les toits, sur les arbres, partout où il trouve de la place » 143 .’

Cette période s’achèvera avec les deux Guerres balkaniques (1912-1913). Puis un nouveau chapitre commence pour la capitale : «La période des Guerres balkaniques représente le premier pas, mais important, vers le bond final. Le séjour et le passage d’un nombre important de personnes en ville à cause de la mobilisation générale a poussé tout à coup à une grande excitation. Les hôtels, les restaurants, les cafés ainsi que d’autres centres ont engrangé en quelques jours de grands bénéfices. C’est à partir de ce moment que le coût de vie a augmenté mais parallèlement la vie industrielle et commerçante de la ville a commencé à être tonifiée d’une manière extraordinaire »144.

En un siècle, Athènes, ville nouvelle du XIXe siècle, fondée une seconde fois en 1834, se métamorphose de la simple bourgade misérable qu’elle était en une capitale européenne, en changeant radicalement son image, ses infrastructures, son implantation. Vers 1892, Deschamps Gaston écrivait dans son journal de voyage au sujet d’Athènes :

‘« Lorsqu’on flâne au hasard, à travers la ville, on est tenté, tout d’abord, de trouver les rues trop droites, les trottoirs trop réguliers, les boulevards trop larges, les maisons plates, banales ou gauchement emphatiques. (…) Et pourtant, telle qu’elle est, cette ville est charmante, de jour en jour plus douce et plus chère, comme ces femmes que l’on est tenté d’abord de ne point voir, et que l’on aime davantage à mesure qu’on les connaît mieux »145.’
Notes
140.

C. Agriantoni, 2004, p.115.

141.

Aleka Karadimou -Gerolympou, « Villes et urbanisme », in Ch. Hadziiossif (dir.), Histoire de la Grèce au XX e siècle, Tome A1, 1900-1922, Les débuts, Athènes, éditions Vivliorama, 1999, p.228.

142.

En rapport avec la surface de la ville en 1879, qui couvrait 4 kilomètres carrés, la surface a été multipliée par 5. Cependant la densité de la population a diminué de moitié. Ceci est dû au fait que la population athénienne, d’une part, lors de cette période a doublé, et d’autre part que l’étendue de la ville suivait plutôt les intérêts privés plutôt que ses besoins véritables.

143.

L. de Langalerie, « Athènes et son peuple », in Revue politique et littéraire, Revue Bleue, No 19 – 2e semaine, 54e année, 30 sept – 7 oct 1916, p.605-608. (Bibliothèque Municipale de Lyon).

144.

« Athènes », Grande Encyclopédie Hellénique (sous la direction de Pavlos Drandakis), Tome B, Athènes, éditions Pirsos, 1926, p.167-168.

145.

Gaston Deschamps, La Grèce d’aujourd’hui, Paris, Armand Colin et Cie, 1892, p.23-24. (Bibliothèque Municipale de Lyon).