Première partie : Les comportements démographiques

Chapitre III. La population athénienne pendant la deuxième moitié du XIXe siècle

Comme nous venons de le voir, Athènes, une bourgade de 1.27 km2 en 1834, réussi en moins d’un siècle à devenir une ville moderne qui représente une surface de 20 km2. Hormis cette évolution urbaine nous avons aussi remarqué l’augmentation de sa population : en 1834 elle représentait 1% du total de la population du pays alors qu’en 1907 elle rassemble 6% de la population, mais aussi 40% de la population vivant au sein des villes grecques.

Malheureusement, l’accès des chercheurs aux archives des actes de naissances n’est pas autorisé. Par ailleurs le nombre d’actes de mariage de l’Etat civil conservés aux archives est trop limité et les données qu’offrent les publications officielles pour le Mouvement de la population sont problématiques, tout au moins en ce qui concerne les naissances et les mariages146. Ces publications fournissent seulement trois informations sur le dème (commune) d’Athènes : 1) le nombre de mariages, de naissances et de décès pour chaque année, 2) les naissances par mois et 3) les décès par mois.

Tableau 1 : Mouvement de la population du dème d’Athènes
Année Mariages Naissances Décès Ecart N-D
Garçons Filles Total Garçons Filles Total Garçons Filles Total
1860 211 379 395 774 559 420 979 -180 -25 -205
1864 294 500 462 962 616 483 1099 -116 -21 -137
1865 282 570 502 1072 589 646 1235 -19 -144 -163
1866 276 483 411 894 413 316 729 70 95 165
1867 210 634 596 1230 554 459 1013 80 137 217
1868 629 578 499 1077 1008 886 1894 -430 -387 -817
1869 264 435 390 825 595 439 1034 -160 -49 -209
1870 246 504 417 921 774 630 1404 -270 -213 -483
1871 271 573 562 1135 835 688 1523 -262 -126 -388
1872 265 620 573 1193 895 677 1572 -275 -104 -379
1873 239 528 484 1012 825 702 1527 -297 -218 -515

Source : Ministère de l’Intérieur, Mouvement de la population des années 1860, 1864, 1865-1867, 1868 - 1869, 1870-1873

Dans leur article « La population d’Athènes et de sa région dans la seconde moitié du XIXe siècle » Maurice Garden et Eugénie Bournova traitent les données du mouvement naturel du département d’Attique- Béotie pendant les deux décennies 1864-1883 et comparent les comportements urbains (Athènes et Le Pirée) et les données des communes rurales de l’Attique et de la Béotie. Leur conclusion est que, « seule la mise à disposition des registres des paroisses, à condition que les événements démographiques y soient correctement consignés, pourrait permettre d’aller plus loin dans l’étude de l’évolution démographique ».

Par rapport aux naissances, ils observent une surnatalité masculine qui dans l’ensemble paraît excessive par rapport aux moyennes européennes, donc un sous enregistrement systématique des naissances féminines, particulièrement important dans la ville d’Athènes, mais perceptible un peu partout. L’indice de « masculinité » pour la ville d’Athènes s’établit à 111 pour la décennie 1864-1873 et grimpe même à 118 pour la décennie suivante 1874-1883, avec des pointes annuelles supérieures à 130. Pour les communes rurales de l’Attique, l’indice moyen sur les vingt années s’établit à 109, avec une augmentation de l’écart d’une décennie à l’autre (107 à 111). Pour Athènes même ils soulignent la médiocrité des relevés des naissances de 1879 à 1885. « Alors que de 1875 à 1878 sont enregistrées de 1.300 à 1.400 naissances annuelles dans la ville (maximum de 1.420 en 1876), dès 1879 ce nombre s’effondre pour se situer entre 600 et 700 naissances annuelles, et même seulement 332 en 1883 ».

Par rapport aux décès ils écrivent : « impossible de se prononcer à partir des publications imprimées sur une qualité meilleure de l’enregistrement des décès ». Mais aussi au niveau des mariages ils remarquent un sous enregistrement. Les taux de nuptialité « que l’on peut calculer à partir des données publiées sont dans l’ensemble d’une grande faiblesse, et s’y ajoute cette conjoncture spécifique à la ville d’Athènes, déjà relevée avec les données concernant les naissances (de 1880 à 1883, il ne se célébrerait quasi plus de mariages dans la capitale grecque, le taux de nuptialité descend en dessous de 2‰, et la remontée au dessus de 10‰ en 1885 ne signifie que récupération partielle). […] Des taux de natalité supérieurs à 30‰ sont difficilement compatibles avec des taux de nuptialité inférieurs à 6‰, la fécondité des couples mariés n’étant pas, semble-t-il, considérable dans cette Grèce de la seconde moitié du dix-neuvième siècle ».

Enfin, les archives ecclésiastiques sont inaccessibles. Les seules données fiables et représentatives proviennent des actes de décès de l’Etat civil.

Notes
146.

G. Sereléa souligne aussi le sous-enregistrement des mariages dans les recensements grecs des années 1870 et 1879. Selon elle la sous-estimation va de 32% à Péloponnèse à 38% pour les Iles Ioniennes à 40% pour la Grèce Continentale et à 45% pour les Cyclades. G. Sereléa, « Regards sur la nuptialité et la fécondité en Grèce pendant la seconde moitié du XIXe siècle », in Revue de Recherches Sociales, No 32, 1978, p. 42-50.