B. La division de la ville d’Athènes en secteurs

L’œuvre de l’académicien, homme de lettres D. Gr. Kabouroglou est riche d’informations concernant la division administrative d’Athènes pendant la domination ottomane153. En effet après avoir consulté des représentations imagées, des diagrammes et des informations rapportées par des voyageurs, il aboutit au fait qu’Athènes se divisait en arrondissements quadrilatéraux, les platomena. Cette division était liée au système de fortification qui apparemment a persisté jusqu’en 1687, c’est à dire jusqu’à l’affrontement des Ottomans avec les Vénitiens. La ville a été abandonnée pour de nombreuses années et elle est restée non fortifiée jusqu’à la construction des fortifications en 1778. C’est lors de la même période que les premiers mahalades (quartiers) ont dû apparaître, sans délimitation spécifique. Petit à petit l’église qui existait dans chaque quartier lui offrait aussi son nom.

La division de la ville a tout d’abord été judiciaire, puis policière et enfin Ecclésiastique. La première division judiciaire d’Athènes a été faite avec le Décret Royal du 20 mai/1er juin 1836 « au sujet de la composition d’un deuxième tribunal de la paix au sein de la capitale »154. La ville a été séparée en deux : la partie Sud et la partie Nord, démarquées par la rue Ermou. Il n’y a pas encore eu d’études au sujet de l’évolution des divisions policières, surtout pour la période 1833-1852155. Selon l’adjoint du maire, responsable du Service de l’Etat civil, c’est le Décret Royal « sur l’organisation du service de la police administrative d’Athènes et du Pirée » émis en 1852 qui a été une étape importante pour cette division. Ce Décret divisa Athènes « en quatre secteurs, délimitées par le croisement des rues Ermou et Eolou, qui comprenaient aussi ses banlieues »156. La division d’Athènes en paroisses était plutôt irrégulière jusqu’en 1858 et elle se modifiait selon le contexte et selon les équilibres intimes de l’évêché157. En 1856 le Décret Royal « sur la division des paroisses en villes, agglomérations et villages »158 est émis et il sera mis en œuvre grâce à un arrêté ministériel de 1858159. Selon ce Décret le Dème d’Athènes, qui en 1858 englobait donc Amaroussio, Képhissia et Chalandri, a été divisé en 23 paroisses : la ville d’Athènes et ses faubourgs étaient séparés en 20 paroisses alors qu’une paroisse a été formée pour Amaroussio, Képhissia et Chalandri.

Le seul recensement du XIXe siècle dont les tableaux publiés se réfèrent au niveau du dème, soit de la commune, est celui de 1879. Les tableaux publiés du recensement de 1879 concernant la ville d’Athènes sont au total huit (8)160 ! Bien que peu nombreux, ils nous donnent une image d’Athènes en 1879.

Dans ce recensement est donc restituée, pour la première fois, la population de la ville séparée en 6 secteurs de police : cette information apparaît aussi dans les tableaux des recensements des années 1884 et 1896 mais pas dans les autres recensements. Les six secteurs en question portent uniquement comme nom une lettre majuscule (A, B, C, D, E, F) et il n’y a pas référence à leurs limites.

Je n’ai pas réussi à trouver quelque Décret ou quelque Loi supprimant les 4 divisions d’Athènes et délimitant les 6 secteurs de police. La loi ΓΡΞΕ’ (3165)161 « Sur la police de l’Etat » divise la ville d’Athènes en 9 circonscriptions avec une délimitation précise. Cependant cette loi ne se réfère pas à une loi précédente pour l’abolir, tout au moins en ce qui concerne les divisions administratives de police.

En 1905 le maire d’Athènes, Spiridon Merkouris, confie à Athanasios Georgiadis, ingénieur de la villed’Athènes, la tâche de déterminer, fixer, délimiter et nommer de manière précise les quartiers de la ville. Les travaux ont duré deux ans. En mai 1908 les propositions ont été déposées au conseil municipal d’Athènes pour être cautionnées. La carte, œuvre de A. Georgiadis, a été publiée presque aussitôt après le cautionnement du Conseil Municipal (mai 1908) et l’émission du Décret Royal dans le Journal Officiel du gouvernement (juin 1908)162. En suivant l’étude de Georgiadis le conseil municipal a décidé que la ville serait divisée en quatre parties163 et 59 quartiers. Il s’agit des mêmes quartiers qui ont été utilisés pour le recensement de 1920.

E. G. Skiadas se trompe lorsqu’il mentionne que « les mêmes axes (des quatre secteurs de 1852) ont été suivis pour les découpages judiciaires et policiers, à partir du règne d’Othon jusqu’à ce jour (1908) »164. Comme nous l’avons dit plus haut, les recensements officiels se servent de 6 secteurs de police, comme le mentionne d’ailleurs Mansolas165. Par conséquent pour un certain laps de temps, au moins de 1879 au recensement de 1896, Athènes était divisée en 6 secteurs. La seule preuve « archivistique » dont nous disposons est la carte republiée par C. Biris qui porte le titre «Plan d’Athènes de 1892. Editions Pallis & Kodzias. Echelle 1:6.000 »166. Selon la carte de 1892 la capitale est donc séparée en 6 secteurs dont les limites sont présentées au tableau 2. Sur cette carte sont par ailleurs enregistrées la totalité des rues de chaque partie ainsi que les ministères, les bâtiments publics, les banques, les casernes, les églises, etc.

Plan d’Athènes de 1892. Editions Pallis & Kodzias. A l’échelle 1 : 6.000
Plan d’Athènes de 1892. Editions Pallis & Kodzias. A l’échelle 1 : 6.000

Source : C. Biris, 1995, p. 225

Tableau 3 : Les limites de six secteurs d’Athènes (Plan de 1892)
Secteurs Rues - Limites
A Pl. Megalis tou Genous Sxolis – Bd. Vas. Sofias – Bd. Amalias - Othonos - Ermou - Eolou – Markou Avriliou - Pritaniou - Stratonos - Thrassilou –Dion. Areopagitou (toute) - Mitseon – Tsami Karatassi - Philopappou - Kallirois - Vouliagmenis - Imittou & la région derrière le Stade.
B Pl. Omonia – Athinas – Ermou – Pl. Syntagma – Vas. Georgiou I – Panepistimiou – Pl. Omonia.
C Pl. Omonia – Athinas – Ermou – Pireos – Pl. Omonia.
D Theoria – Markou Avriliou – Aiolou – Ermou – Pl. Assomaton – Eptahalkou – Thessalonikis – Dimofontos – Kimeon – Akamantos – Ag. Marina – Ap. Pavlos (toute). Elle comprend l’Ancien Agora.
E Asklipiou – Bd. Alexandra – Assimaki Photila – Metsovou – Patission – Panepistimiou – Bd. Vas. Sofias – Gennadiou I. (jusqu’à la rue Isavron).
F Pl. Omonia – Patission – St. Meletiou – Bd. Konstantinoupoleos – Dialeon – Agathimerou – Pireos – Pl. Omonia (elle comprend aussi les rues Iraklidon, Eiadnis, Vitonos et Persefonis)
Les six secteurs d’Athènes
Les six secteurs d’Athènes

Source : « Evolution d’Athènes depuis 1833 (sur le plan au 1/10.000 du Ministère des Travaux Publics) »,dans Lya et Raymond Matton, Athènes et ses monuments du XVIIe siècle à nos jours, Athènes, IFA, 1963.

Notes
153.

D. Gr. Kabouroglou, La Vieille Athènes, Librairie G. Vassiliou, Athènes, 1922, p.87–117.

154.

Journal Officiel No 21, 1836.

155.

E. G. Skiadas, Les quartiers d’Athènes. La première division officielle (1908), Athènes, éditions du Dème d’Athènes, 2001, p.165.

156.

Journal Officiel, No 47, 1852, p.294 b.

157.

E. G. Skiadas, 2001, p.27.

158.

Décret Royal 8 juin 1856. Journal Officiel, No 26, 1856.

159.

Décret ministériel 30 mais 1858. Journal Officiel No. 26, 1858.

160.

L’intégralité de la partie du recensement de 1879 qui concerne la ville d’Athènes, est présenté dans les annexes, p.336-343.

161.

Ministère de guerre, Lois No 3165 Sur la police d’état, Athènes, Imprimerie Min. de guerre, 1906. (Bibliothèque centrale du Parlement).

162.

E. G. Skiadas, 2001, p.44. Les pages 41-53 rapportent en détail les différents stades des travaux de A. Georgiadis ainsi que la description de la carte.

163.

De l’Est à l’Ouest, les axes étaient les rues Kifissias, Vassileos Georgiou, Ermou et Pireos. Du Nord au Sud les axes étaient formés par les rues Patission, Eolou, Akropoleos, Dionissiou Areopagitou, Falirou et l’avenue Syggrou.

164.

E. G. Skiadas, 2001, p.49.

165.

Ministère de l’Intérieur, « Recensement de la ville d’Athènes », in Statistique de la Grèce. Population de l’année 1879, Imprimerie S. K. Vlastou, 1881, p.49.

166.

C. Biris, Athènes du XIX e au XX e siècle, Athènes, Editions Melissa, 1995 (b’), p. 225. Il vaut la peine de noter ici que la plupart des livres –que nous connaissons- se servent de cartes très utiles. Cependant presque aucun écrivain ne mentionne leur provenance, ce qui aiderait pourtant les chercheurs suivants à faire économie du temps précieux.