Chapitre V. La dot

A. La constitution de la dot : le code civil transcrit la pratique

Le Code Civil227 grec a été mis en vigueur pour la première fois le 1er juillet 1941228. Cependant, à cause de la Deuxième Guerre Mondiale et de l’Occupation, le Code Civil a été mis en vigueur à nouveau en février 1946229.

Le Code Civil ne s’est pas trop éloigné de l’ancien droit en ce qui concerne la dot et l’obligation de constituer une dot230 pour la future mariée. La dot est donc la fortune accordée à l’homme par son épouse ou par un autre individu pour le compte de l’épouse, dans le but de soulager le mari du poids du mariage 231 (article 1406). Le père était obligé de constituer une dot pour sa fille. Son importance dépendait de sa fortune, du nombre de ses descendants et du statut social de l’époux. Il était dispensé de cette obligation si la fille possédait des biens qui pourraient correspondre à sa dot ou bien dans le cas où il risquait de ne plus pouvoir subvenir à ses propres besoins s’il constituait cette dot232 (Article 1495). Si le père était mort ou n’était pas en position de constituer la dot l’obligation revenait à la mère. Enfin, notons que si la fille avait déjà été dotée pour un mariage précédent par sa mère ou son père, elle ne jouissait plus de ce droit (Article 1496).

D’après le droit en vigueur à l’époque, l’époux avait le droit de gestion et d’usufruit sur la dot pendant le mariage. Lorsque la dot était transférée sans avoir été évaluée (c’est à dire lorsque l’époux avait l’usufruit mais la femme gardait la nue propriété) l’époux, même sous l’accord de l’épouse, n’avait pas le droit de liquider ou d’hypothéquer la dot. Cependant, la liquidation était possible si elle visait au remplacement du bien doté par un autre bien immobilier, et si cela était bénéfique à la femme. En effet, dans un contrat de mariage233 de 1902, le père même de l’épouse (qui est celui qui assure la dot), Ioannis S., fabricant d’instruments de musique, donne à son futur gendre Avgerinos A., commerçant, le droit de liquider la maison de sa fille Chrissoula (maison qui fait partie de sa dot) s’il la remplace par une maison ou un terrain de valeur égale. Sinon, dans le cas où la dot serait non évaluée, si le mari n’avait pas les moyens de nourrir la famille et les revenus de la dot n’étaient pas suffisants, la dot était rendue à la femme qui –par décision judiciaire- pouvait liquider la maison qui faisait partie de la dot234. Si la dot était évaluée (c’est à dire le mari avait la pleine propriété) il avait le droit de propriété sur les biens mobiles mais non des biens immobiliers, sauf s’il était mentionné dans le contrat que l’évaluation se faisait pour cause de vente235.

Mais que se passait-il lorsque le mariage prenait fin ? En Grèce c’est le régime de la séparation des biens qui est en vigueur. Chacun des époux conserve la propriété de ses biens personnels. Si le mariage prenait fin pour cause du décès de la femme, la dot revenait à ses héritiers selon leur classe héréditaire : tout d’abord les descendants (enfants, petits enfants), les ascendants (parents), puis les membres voisins de la famille (frères, neveux)236. Dans le cas d’un divorce, même pour faute de l’épouse, l’époux ne pouvait garder la dot et se devait de la rendre à l’épouse237. Il pouvait garder les biens mobiliers mais pour seulement un an238.

Notes
227.

Pour une présentation courte de l’histoire du Code Civil grec, voir annexes, p.348.

228.

« En donnant ainsi un temps suffisant à l’étude du Code ». A. P. Tampakopoulos, 1940.

229.

Décret Législatif « sur la révision du Code Civil et de sa loi introductive », Journal Officiel, No 151, 10 janvier 1946, p.760.

230.

Il faut noter qu’en France, pendant le XIXe siècle, il existe deux types de contrats de mariage : le régime dotal et les régimes de communauté. Le premier régime -observé surtout dans le Midi- fait que la dot est bien individualisée par rapport au reste des biens des époux. Les régimes de communauté sont fréquemment des régimes de communauté réduite aux acquêts. Florence Laroche - Gisserot, « Pratiques de la dot en France au XIXe siècle », in Annales ESC, novembre-décembre 1988, no 6, p.1433-1452.

231.

Article 1398 : « L’homme porte le poids du mariage ».

232.

« Le père est obligé de doter sa fille si sa fille ne dispose pas de sa propre fortune », Consultations de légistes, Thémis, Tome 1890, p.189.

233.

Acte notarié n° 17.054 du 3 février 1902.

234.

Thémis, Tome 1893, p.137.

235.

Yiannis Yiannitsiotis, L’histoire sociale du Pirée. La constitution de la classe urbaine. 1860-1910, Athènes, éditions Nefeli, 2006, p.174.

236.

Christos Loukos, Mourir à Syros pendant le XIX e siècle. Les témoignages des testaments, Héraclio, Presse Universitaire de Crète, 2000, p.105.

237.

Arrêt No 1065 (1890), Thémis, Tome 1890, p.425 et Arrêt No 411 (1905), Thémis, 1905, p.442. Il est mentionné aussi qu’auparavant à Athènes il y avait une tradition qui faisait que si la personne recevant la dot (l’époux) mourait et il n’avait pas d’enfants, la dot retournait à la personne qui a donné la dot (le père) et non à sa veuve.

238.

Arrêt No 1536 (1892), Thémis, 1893, p.540-541.