2. Les enfants abandonnés ou les décès à l’Hospice des enfants abandonnés

L’Hospice municipal des enfants abandonnés a commencé à fonctionner en septembre 1859, initialement dans un bâtiment près de la Cathédrale, puis à proximité du quartier d’Agioi Theodori, pour fonctionner à partir de 1875 dans le bâtiment de la rue Pireos sur la place Koumoudourou, (pinacothèque municipale actuelle)336. L’Hospice accueillait des enfants nouveau-nés mais aussi des orphelins plus âgés qui étaient originaires d’Athènes et du Pirée mais aussi du reste du pays. Cependant la grande mortalité des « Nourris par le Dème d’Athènes » a conduit les contemporains à nommer l’Hospice « Vrefoktoneio (tueur de nourrissons) ». Pourtant, l’Hospice d’Athènes est considéré par les experts comme le berceau de la pédiatrie en Grèce. En effet, les enfants abandonnés servaient de « martyres » pour éduquer les étudiants mais aussi pour les divers travaux de recherche des professeurs qui touchaient par exemple le système d’alimentation des nourrissons, l’utilisation de divers médicaments, le contrôle des succès des vaccinations etc.337

Selon l’article de C. Savvas, le fait que la mortalité infantile soit élevée dans l’espace urbain est attribué à la mortalité accélérée des enfants abandonnés à l’Hospice. Etant donné que nous ne connaissons pas le nombre exact de naissances illégitimes338 et des nourrissons qui ont été accueillis par cette institution, nous ne sommes pas en mesure de connaître leur mortalité. En tout cas, conformément aux données du Service de l’état civil d’Athènes et pour tout le long des trois périodes étudiées, le nombre absolu des décès des enfants abandonnés est presque stable. Sur ce cinquantenaire, ils constituent 7% du nombre total des décès qui ont été enregistrés au Service de l’état civil d’Athènes et 27% de l’ensemble des décès infantiles.

Tableau 35 : Evolution du nombre des décès des infants illégitimes
  1860 1880 1900
N des décès des infants illégitimes 828 861 842
Nombre total des décès infantiles 3.130 3.206 3.030
Nombre total des décès 11.837 11.790 11.586

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.

La répartition mensuelle des décès des nourrissons abandonnés ne diffère pas de celle des « légitimes ». Les périodes mai - août surtout, mais aussi décembre - janvier sont les plus létales. Pour les décès juvéniles cependant, alors que la tendance reste stable pour les « légitimes », juin et juillet semblent influencer davantage les enfants abandonnés. Les causes de décès restent les mêmes (gastro-intestinales l’été et broncho-pneumonies l’hiver). Cependant l’atrophie et l’athrepsie semblent être responsables pour 25 à 38% des décès des enfants abandonnés.

Graphique 11 : Rythme mensuel des décès juvéniles pour les enfants légitimes et illégitimes
Graphique 11 : Rythme mensuel des décès juvéniles pour les enfants légitimes et illégitimes

Les petites filles - comme on le prévoyait pour un pays où uniquement les fils étaient considérés comme dignes d’assurer la descendance de la lignée - sont celles qui sont principalement abandonnées à l’Hospice des petits enfants : presque 6 sur 10 enfants abandonnés qui y meurent sont des filles. Enfin, 8.5 sur 10 des décès d’enfants abandonnés sont des nourrissons (de 0 à 11 mois). Les deux premiers jours de la vie sont cruciaux pour les nourrissons.339. Jusqu’au 4ème mois les pourcentages sont maintenus à des niveaux élevés, alors qu’après le 5ème mois le nombre de décès a tendance à diminuer.

Notes
336.

Les informations sont différentes. Certains considèrent que 1875 (ou 1874) est l’année du début de son fonctionnement, lorsque qu’il a été installé à la place Koumoundourou. D’autres soutiennent qu’il a commencé à fonctionner en septembre 1859. Enfin, C. Biris soutient que le début du fonctionnement de l’Hospice date de 1848. En tout cas selon les actes de décès du Service de l’état civil d’Athènes, le terme d’« Hospice des enfants abandonés » est enregistré pour la première fois en octobre 1859. Avant le mois d’octobre de l’année 1859 il existe habituellement l’annotation « élevés par le dème d’Athènes ». Enfin, il existe un nombre important de décès d’enfants « abandonnés » ou « illégaux » qui n’ont pas été enregistrés à l’Hospice mais dans différentes paroisses (25) de la capitale, surtout celle d’Agios Philippos (12%), d’Agios Georgios (11%), de Vlassarous (9%), d’Agioi Anargiri (8%) et d’Agios Dimitrios (8%).

337.

S. Loukopoulou, K. Maniati, N. Andreou, A. Stiga, P. Mexi, B. Galiaki, G. Tsoukalas, I. Tsoukalas, History of the Pediatric Clinic of the University of Athens during the Public Nursery's period (1879-1915), (Ann Clin Pediatr Univ Atheniensis 2004, 51(1): 78-90)

338.

La Statistique du mouvement annuel de la population pour la période de 1865 à 1867 donne le nombre de naissances illégitimes pour le Département d’Attique et de Béotie. Les chiffres qui sont proposés par cet ouvrage sont vraisemblablement faux, vu que pour les deux premières années le nombre de décès des enfants abandonnés à la municipalité d’Athènes est plus élevé que celui des naissances, alors que pour la troisième année la mortalité s’élève au taux extraordinaire de 883‰!!! Aussi, d’après des chiffres obtenus auprès de la Maternité, lors de la période de 1837 à 1857 54% des naissances étaient effectuées par des femmes mariées ou veuves et 46% par des femmes non mariées. Ν. Kostis, « Bref rapport sur la Maternité d’Athènes », in Iatriki Efimeris, 27, 2/8/1858. Repris dans M. Korassidou, 2002, p.79.

339.

La 10ème, 15ème, 20ème et 25ème journée sont caractérisées par un important nombre de décès de nourrissons qui meurent avant d’avoir compléter un mois de vie ; ceci montre une tendance à arrondir les âges.