3. Mortalité des adultes

Dans les actes de décès du Service de l’état civil d’Athènes il existe un déséquilibre marqué entre les deux sexes : pendant toute la période (de 1859 à 1902) nous trouvons 100 décès de femmes pour 128 décès d’hommes. Ce déséquilibre est observé par ailleurs à travers les résultats de la Statistique de mouvement annuel de la population (tant en ce qui concerne les décès que les naissances), et grâce aux tableaux statistiques des recensements de 1879 et de 1884³⁴⁰.

En ce qui concerne les âges avancés (de plus de 80-90 ans), les morts féminines sont constamment plus nombreuses que les morts masculines. Selon le recensement de 1879 il existe plus de femmes âgées que d’hommes âgés, mais aussi il existe plus de femmes de 20 ans à 59 ans que d’hommes de la même tranche d’âge. Il n’est donc pas surprenant que nous trouvions dans les actes de décès du Service de l’état civil d’Athènes un surplus masculin important, ce qui justifie totalement la chute des décès masculins pour les années qui suivent.

Selon la même source, lors de la dernière période (de 1899 à 1902), les décès des filles sons plus nombreux que ceux des garçons pour les âges de 2 à 19 ans seulement ; ceci nous fait penser à un sous-enregistrement.

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.

La situation de la santé publique à Athènes ne rejoint pas celle observée dans d’autres villes européennes³⁴¹ où les pratiques de Pasteur ont déjà été appliquées. Il semble en tout cas que le domaine de la santé publique prend son essor (même s’il ne s’agit que d’une petite amélioration) lors de ce cinquantenaire. Comme nous l’avons vu plus haut, la part des enfants qui meurent sur le total des décès diminue de 10 unités alors que le nombre de personnes âgées augmente de façon considérable³⁴². Aussi, la durée de vie moyenne (calculée à partir de la moyenne des âges des décédés d’une année) progresse. Les hommes mourraient en moyenne à 25 ans dans les années 1860 alors qu’ils atteignaient les 27 ans dans les années 1870 ; ils mourraient à 30 ans lors de la décennie de 1900. L’âge moyen du décès pour une femme était de 22 ans pour la décennie 1860, il est passé à 24 ans pour les années 1880 pour arriver à 26 ans à la fin de notre période ! A Paris pendant la période 1880 – 1885 la durée de vie moyenne d’un habitant était de 28 ans³⁴³. A Bordeaux l’âge moyen au décès est élevé grâce aux progrès de la médecine et aux répercussions de la révolution microbienne mais aussi à l’évolution de la composition par âge de la population³⁴⁴; entre 1883 et 1913 on passe pour les hommes d’un âge moyen de 39 ans à un âge moyen de 49 ans et pour les femmes de 40 ans à 53 ans). Si nous ne retenons que la durée de vie moyenne pour les personnes ayant survécu à leur première année de leur vie, l’amélioration est encore plus perceptible. Pour les hommes, l’espérance de vie s’élève à 33 ans au cours de la première période, à 37 ans au cours de la deuxième période et elle atteint les 43 ans au début du XXe siècle. D’autre part les femmes passent d’une espérance de vie de 32 ans à une espérance de vie de 35 ans, pour atteindre une durée de vie moyenne de 41 ans dans les années 1900³⁴⁵. Les femmes vivent plus que les hommes, tout au moins dans les sociétés que nous connaissons jusqu’à présent. Nous proposons donc deux explications aux résultats qui sont présentés plus haut. Tout d’abord, les données concernant les femmes, notamment leur décès, n’étaient pas enregistrées à chaque fois. Ce genre de lacune est observé au Portugal au début du XXe siècle³⁴⁶. Deuxièmement, l’âge au décès des femmes n’était pas exact, fait nous rappelant que nous sommes face à une communauté « sans papiers ». D’ailleurs, la mentalité grecque veut la femme jeune et l’homme mature...

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.

Nous avons calculé l’âge moyen au décès en les séparant en groupes d’âges et selon l’origine de la personne décédée ³⁴⁷ afin d’observer si les immigrants meurent à un age inférieur à celui des autochtones en admettant comme hypothèse qu’immigrants et athéniens ont la même natalité. Les résultats donnent une idée de la vie dans la capitale.

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.

La première chose qui saute aux yeux est le très faible âge moyen au décès des Athéniens mais il est dû au fait que dans ce groupe sont inclus tous les âges et surtout les enfants [9 sur 10 des enfants de moins de 14 ans (53%, 50%, 44% de la totalité du nombre de décès pour chacune des périodes respectivement), sont nés à Athènes]. Par contre dans les groupes des immigrants on a affaire à des personnes âgées d’au moins 10 ans afin de pouvoir voyager et immigrer. Finalement l’âge moyen au décès des autochtones (pour les personnes âgées de plus de 15 ans) atteint l’âge moyen au décès des personnes venant des autres régions de la Grèce.

Nous remarquons par ailleurs que l’âge moyen au décès des immigrés étrangers n’est pas différent d’un groupe d’âge à un autre. Nous admettons que les immigrés étrangers arrivent à la capitale après leur 15ème ou 20ème année et qu’ils viennent à Athènes sans enfants. Il est vrai que nous ne savons pas s’ils sont mariés, mais nous pensons tout de même qu’ils n’ont pas d’enfants. Cette différence d’âge importante entre les étrangers et les Grecs montre que les étrangers qui viennent à Athènes à un âge avancé ont totalement échappé aux périodes cruciales de la vie et ont survécu aux maladies les plus dangereuses. Les pays dont ils sont d’ailleurs originaires sont au Nord, développés et capitalistes (ex. France, « Allemagne »).

En ayant toujours en tête que l’âge déclaré n’était pas exact³⁴⁸, nous pouvons supposer à partir du tableau ci dessus que les migrants à Athènes lors de la deuxième moitié du XIXe siècle ne vivent ni ne travaillent dans des conditions difficiles, ou en tout cas dans une situation différente de celle des autochtones. Nous avons déjà mentionné les problèmes d’aménagement du territoire et de la forte densité de population au sein de la capitale. Les gens vivaient surtout dans des petites maisons (privées) ou dans des pièces louées dans ce genre de maisons et faisaient face à ces problèmes de manque d’infrastructures. Comme nous le verrons plus tard, ce n’est pas l’origine qui influence la qualité de vie, mais le statut social.

En ce qui concerne la répartition mensuelle des décès des adultes, nous remarquons que l’hiver³⁴⁹ est la saison la plus létale avec la tuberculose occupant la première place des causes de décès alors que l’automne ressort pour cause des maladies respiratoires. Athènes, à cette époque, ne rejoint pas encore l’amélioration notée dans les centres urbains européens en ce qui touche le domaine de la santé publique.³⁵⁰.

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.