E. Lieu d’origine

Les informations sur le lieu d’origine du décédé, la plupart des fois, ne sont pas précises. Lorsqu’une personne qui décède est originaire d’une île, la seule donnée enregistrée est le nom de l’île. Pour les périphéries de Thessalie, de l’Epire et de la Macédoine, la plupart des fois nous observons que seul le nom de la périphérie est enregistré. Il se passe la même chose pour les pays de l’étranger, où seulement le nom du pays d’origine est enregistré. Nous possédons un peu plus de détails pour le Péloponnèse, la Grèce Continentale et l’Asie Mineure, bien que seules les grandes villes soient mentionnées. Ce fait nous interpelle car nous ne savons pas si la ville enregistrée est le lieu de naissance de l’immigré ou bien un point de passage avant d’arriver à Athènes.

Nous avons procédé de la manière suivante pour étudier l’origine géographique de la population athénienne. Tout d’abord nous avons conservé la séparation actuelle de la Grèce en périphéries mais aussi la division rencontrée dans les recensements de la période entre la « vieille »375 et la « nouvelle »376 Grèce (c’est-à-dire des régions qui, lors de la période étudiée, sont encore sous l’empire ottoman ou sous domination anglaise ou italienne mais qui seront rattachés à la Grèce par la suite)377. Nous avons rassemblé dans la catégorie « étranger »378 le reste des régions de l’empire ottoman mais aussi les originaires d’autres pays comme la France, l’Italie, l’« Allemagne », l’Angleterre, la Russie etc.

Ce qui nous surprend lorsque nous étudions le tableau 51, c’est le faible taux de participation des habitants de l’Attique, c’est à dire du voisinage immédiat de la capitale. Pourtant les Dèmes limitrophes du département de l’Attique se trouvent à cette époque en pleine croissance démographique379. Bien sûr, ceci ne veut pas dire que leurs habitants n’ont pas immigré vers d’autres régions. D’ailleurs, en dehors de la route qui joignait Athènes au Pirée, la communication de la capitale avec les autres Dèmes de l’Attique n’était pas facile. Comme le note Emmanuel Benakis dans une lettre pour le journal « Nea Imera » (Nouveau Jour) en 1912, un villageois habitant dans la région du côté de Marathon avait besoin de deux jours et devait payer à deux endroits des taxes afin de se procurer des fournitures nécessaires à ses cultures380.

Tableau 51 : Lieu d’origine des personnes décédées à Athènes (personnes âgées de plus de 15 ans) (%)
  Lieu d’origine HOMMES FEMMES
1860 1880 1900 1860 1880 1900
Vieille Grèce Athènes 22 26 24 36 39 35
Attique 2 2 2 1 1 2
Cyclades 8 12 13 9 14 16
Péloponnèse 15 19 23 14 14 17
Grèce Continentale 7 7 8 4 6 6
Iles de N. Sporades 0 0 0 0 0 0
Iles du Golfe Saronique 5 3 3 7 6 3
Annexion 1864 Iles ioniennes 3 3 5 2 3 5
Annexion 1881 Thessalie 3 2 2 0 1 1
Annexion 1913 Epire 7 5 5 2 2 2
Annexion 1913 Crète 7 4 3 12 4 4
Annexions après 1913 Iles d’Egée 4 4 3 3 3 2
Annexions après 1913 Macédoine 4 3 2 1 1 1
  Etranger 13 10 7 9 6 6
  Total 100 100 100 100 100 100

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.

Au contraire, tout au long de la période étudiée beaucoup d’immigrés viennent des Cyclades et du Péloponnèse, donc des régions de la Vieille Grèce ; leur taux augmente d’une période à l’autre, quoique avec une intensité différente pour les deux sexes.

Les départements du Péloponnèse qui alimentent la capitale en immigrés lors des trois périodes –quoique de moins en moins- sont l’Arcadie et l’Argolide, c’est à dire la partie de l’Est et du centre du Péloponnèse. L’Arcadie est un département qui n’est pas relié à la capitale par des voies ferrées ou par des lignes de navigation. Les habitants de la partie sud du Péloponnèse c’est à dire de la Laconie et de la Messénie, comme de l’Achaïe au Nord présentent aussi des taux importants, mais toujours moins élevés que ceux des deux départements précédents. Les hommes qui immigrent de Messénie, sont beaucoup plus nombreux vers la fin du XIXe siècle (de 6 unités) ; nous attribuons ce phénomène à la crise de raisin sec381. Les taux concernant les habitants de l’Achaïe qui sont eux aussi touchés par cette crise restent stables. Corinthe (la région la plus proche d’Athènes) et l’Elide semblent être des régions qui réussissent à garder leurs habitants –tout au moins ils ne migrent pas vers Athènes- même après la crise des raisins secs qui les a sérieusement touchés à la fin du XIXe siècle. A la fin du XIXe siècle, Athènes reçoit des immigrés du Péloponnèse venant de toutes directions et de riches milieux urbains, alors qu’au Pirée, la moitié des immigrés proviennent de Leonidio382 (Arcadie).

Il semble qu’en opposition avec le Péloponnèse, où la part des adultes de sexe masculin qui immigrent est plus importante que celle des adultes de sexe féminin, les immigrées venant du département des Cyclades représentent une part plus importante dans la population des immigrés adultes. Ces personnes viennent principalement des îles d’Andros, de Tinos et de Kéa. La part des habitants venant de ces trois îles décroît tout au long des cinquante années qui suivent car de plus en plus d’îles deviennent point de départ pour les immigrés, un fait sans doute attribué à l’effondrement de la navigation à voile et au développement de la navigation à vapeur vers la fin du XIXe siècle. Lors de la dernière période la part des habitants provenant de Naxos, de Syros383 et de Santorin (l’île des Cyclades la plus éloignée du Pirée) augmente sensiblement.

Les taux les plus importants des immigrés originaires de la Grèce Continentale, sont ceux des immigrés venant des départements reliés à Athènes ou au Pirée par des routes ou des lignes navigables : la Béotie, l’Etolie -Acarnanie et la Phocide. L’Eubée, malgré sa proximité avec Athènes, n’y sera reliée qu’en 1904 par le chemin de fer qui relie Athènes à Chalcis. Chalcis est d’ailleurs une ville qui verra augmenter beaucoup sa population tout au long du XIXe siècle (en 1907, elle compte presque 11.000 habitants). Il semble que ce soit une ville capable de retenir le reste de la population agricole sur place. Les personnes qui habitent dans le département le plus éloigné de la capitale, l’Evrytanie, sont ceux qui immigrent le moins vers la capitale. Il faut noter la hausse spectaculaire- des immigrés provenant de la Phtiotide (Lamia) au début du XXe siècle : de 17 unités chez les hommes et de 12 chez les femmes.

Les immigrés provenant des îles du Golfe Saronique voient leur part chuter de manière importante à la fin du XIXe siècle, même si lors des deux premières périodes ils représentent une part importante de la population athénienne. Nous savons que beaucoup d’Athéniens s’étaient réfugiés dans ces îles –surtout à Egine- lors de la révolution et sont revenus dans leur ville natale après 1834. N’oublions pas qu’à cause de la nature de la source utilisée, les personnes sont étudiées au moment où elles décèdent et non au moment où elles arrivent à la capitale. Quoiqu’il en soit, les deux îles qui approvisionnent Athènes en immigrés sont les deux îles les plus proches du Pirée : Egine et Hydra. Bien que la population d’Hydra ait tendance à chuter dès 1860 et garde cette tendance jusqu’à la fin du siècle, il ne semble pas que les résidents de cette île vont à Athènes. Au Pirée voisin cependant, vers la moitié du XIXe siècle, les personnes venant de Hydra représentent la plus grande partie de la population384.

Finalement, les îles des Sporades du Nord semblent ne pas participer, ou tout au moins presque pas, à la vague d’immigration vers la capitale. L’emplacement géographique des Sporades, isolées et sans lien direct avec le Pirée, a tout naturellement poussé les habitants à immigrer vers la Magnésie voisine où se trouvait d’ailleurs Volos, une ville portuaire importante.

Les habitants des deux périphéries annexées à l’Etat grec lors de la période étudiée présentent un comportement différent. Les habitants de la Thessalie, même à la fin du XIXe siècle, c’est à dire 20 ans après son annexion, ne semblent pas partir pour la capitale. D’une part, la périphérie de la Thessalie est la plus éloignée d’Athènes. D’autre part, Larissa avec 13.000 habitants est une ville importante déjà pendant la période de l’annexion. Dans le recensement de 1889 deux autres villes, Volos et Trikala, ont vu leur population doubler (pour la première ville) ou tripler (pour la deuxième ville). Enfin, C. Tsoukalas soutient que la vallée de la Thessalie, comme la partie Nord de l’Eubée, sont deux régions qui présentent un faible taux d’immigration. Ce fait est attribué aux grandes propriétés foncières qui existaient dans ces régions385.

Au contraire la population venant des îles ioniennes semble immigrer de plus en plus après l’annexion de leur région. Lors de la première période, les plus nombreux migrants viennent de Zante, la seule île où des bateaux à vapeur effectuent des trajets aller-retour hebdomadaires jusqu’au Pirée en 1860. Les personnes venant de Zante constituent 50% de la population des immigrés masculins venant des îles ioniennes et 35% des immigrées qui décèdent à Athènes lors des années 1860. Céphalonie et Corfou (reliées au Pirée tous les 15 jours) sont les autres îles ioniennes qui voient leur population immigrer vers Athènes. Lors de la dernière période, les Céphalotes augmentent de 14 unités ce qui fait qu’ils sont dominants par rapport aux immigrés de Zante. Nous pouvons attribuer cette évolution de la population à la crise des raisins secs qui toucha aussi Céphalonie. Le comportement des habitants de Corfou est différent selon les sexes : alors que les hommes augmentent de 3 unités, les femmes diminuent de 5 unités. Les habitants de Cythère - île très proche de la partie sud du Péloponnèse- diminuent de 6 unités lors de la dernière période alors qu’ils représentaient entre 12% et 14% du mouvement d’immigration vers Athènes pendant les deux premières périodes. A l’opposé la participation des habitants d’Ithaque –surtout des femmes- et de Leucade s’agrandit lors de la fin de notre dernière période. Ces deux îles ont, elles aussi, été touchées par la crise des raisins secs. Enfin, les habitants de l’île la plus petite des îles ioniennes, Paxi, ne semblent pas se réfugier à Athènes, d’où ils sont presque absents.

Les habitants des périphéries qui font partie de la Grèce actuelle, mais qui ne l’étaient pas lors de la période étudiée, ne semblent plus constituer une partie importante de la population de la capitale. Par ailleurs, la vague d’immigration provenant de ces périphéries et départements, semble présenter une tendance à la chute.

La révolution échouée de 1866 en Crète, a entraîné la hausse importante des réfugiés à Athènes ; dans les actes de décès du Service de l’Etat Civil de la première période nous observons que 54% des personnes qui viennent de Crète sont des enfants de moins de 15 ans, et que 93% des décès crétois ont été enregistrés entre 1867 et 1868. Dès la période suivante, alors que la crise est passée, le taux des Crétois diminue considérablement.

L’Epire semble envoyer exclusivement sa population masculine vers la capitale. Cette population montre des taux importants lors de la première période, identiques à ceux observés pour les immigrés des Cyclades. Il s’agit d’une périphérie d’où viennent beaucoup d’hommes politiques, des militaires, mais aussi des maçons, particulièrement utiles lors des premières décennies de la vie de la capitale. C’est peut être la raison pour laquelle ces personnes sont tout d’abord intégrées dans la force publique puis ensuite se distinguent en tant qu’ouvriers. Il s’agit pourtant d’une périphérie qui, même aujourd’hui, n’a pas de bonne liaison avec la capitale.

Les immigrants de la Macédoine sont aussi surtout de sexe masculin. Il s’agit de la périphérie la plus éloignée de la capitale, où se trouve un carrefour commercial important de la Méditerranée : Thessalonique.

Il est logique que les habitants des îles de Dodécanèse, au sud-est de la Grèce actuelle, sans aucune ligne navigable allant au Pirée, représentent des taux proches de 0% dans la constitution de la population athénienne. Enfin, les îles au Nord d’Egée, voisines des côtes de l’Asie mineure et avec une ligne navigable reliant Mytilène au Pirée tous les seconds vendredis après midis et chaque samedi tous les quinze jours, représentent des taux très bas. Par ailleurs, il semble que ce soit les habitants de Chios et non ceux de Mytilène qui immigrent le plus vers Athènes.

La moitié des immigrés étrangers, comme nous nous y attendions, est originaire de Smyrne et de Constantinople, deux villes où la communauté grecque était très importante. En ce qui concerne les hommes, la Chypre et l’Italie, sont la source secondaire d’immigrés pour la capitale alors que pour les femmes c’est la Russie et l’Italie. Les taux des « Allemands » chutent d’une période à l’autre. Nous savons qu’avec l’éviction d’Othon en 1862 un grand nombre de fonctionnaires et de militaires d’origine « allemande » ont quitté la capitale.

Il semble qu’un changement s’annonce dans la composition de la population immigrée à la capitale à la fin du XIXe siècle. Nous avons vu que le taux des immigrés augmente lors de cette période, celui des femmes un peu plus que celui des hommes. De plus, certaines régions montrent une augmentation de l’immigration féminine beaucoup plus poussée que celui des hommes386. Bien sûr, la vague d’immigration vers la capitale reste clairement une affaire de jeunes hommes célibataires. Mais les femmes semblent y participer de façon plus « massive » vers la fin du XIXe siècle. D’ailleurs, l’augmentation des immigrées dans la tranche d’âge des 15-19 ans indique aussi cette tendance. La source que nous utilisons ne nous permet pas d’étudier si des familles entières, des jeunes couples ou des frères et sœurs arrivent à la capitale. Mais, nous savons deux choses : D’une part, le taux des immigrés et des immigrées se développe (3% chez les hommes et 4% chez les femmes). D’autre part, le taux des hommes et des femmes célibataires diminue (de 1% chez les hommes et de 2% chez les femmes). Nous avons vu plus tôt que la différence d’âge au premier mariage ne diffère pas de plus d’un an entre les immigrés et les autochtones. Par conséquent, nous ne pouvons pas parler d’une « insertion » plus facile des immigrés dans la société athénienne. Faut-il donc supposer que les immigrés qui arrivent à Athènes sont mariés ? Il va falloir attendre les chercheurs du XXe siècle pour répondre à ces questions.

Notes
375.

La Vielle Grèce comprend les périphéries : Attique, Grèce Continentale et Péloponnèse, le département de Cyclades et les îles de N. Sporades et du Golfe Saronique.

376.

Il s’agit des périphéries (appelées éparchies à l’époque) : des îles ioniennes (annexion en1864), de Thessalie (annexion en 1881), d’Epire (annexion en 1913), de Crète (annexion en 1913). J’ai regroupé les 3 périphéries de la Macédoine (annexions après 1913), dans une seule catégorie sous le nom « Macédoine ». La catégorie « îles d’Egée » comprend la périphérie des îles au Nord d’Egée (annexion en 1913) et le département de Dodécanèse (annexion en 1947).

377.

Nous pensons que la présentation analytique des taux pour l’ensemble des périphéries de la Grèce actuelle, peut paraître utile en tant que point de comparaison pour des futures recherches concernant Athènes du XXe siècle.

378.

À ce point il faut mentionner les difficultés confrontées concernant le classement des habitants de la capitale selon leur lieu d’origine. Ce classement a été particulièrement difficile puisque pendant la période étudiée, l’empire ottoman et l’Europe ont vu plusieurs fois leurs frontières changer.

Plus précisément, les frontières de l’empire ottoman se trouvent à changement permanent jusqu’en 1923 quand l’empire s’abolit et la République de Turquie est fondée. À titre indicatif nous mentionnons, les changements importants que a entraîné en 1878 le traité de San Stefano : Libération de certains pays comme la Serbie et le Monténégro, autonomisation d’autres (comme la Bosnie et l’Herzégovine lesquelles cependant se trouveront sous la tutelle de l’Autriche) et nomination de la grande hégémonie autonome de la Bulgarie (laquelle n’acquerra pas ses frontières actuels et son indépendance véritable qu’en 1908, en tant que monarchie).

En 1878, la Chypre passe à la possession d’Égypte, tandis qu’en 1881 et lorsque l’Égypte passe à la possession de la Grande Bretagne, la Chypre relève à la couronne britannique. En ce qui concerne les autres pays étrangers, les termes trouvés dans les actes de décès comme « Allemagne », « Autriche », « Bavière », « Hongrie », « Saxe », nous ont également posé de problèmes.

Nous connaissons que ces événements constituent un chapitre très important de l’histoire mondiale contemporaine. Notre étude s’appuie sur l’étude de trois périodes, pendant lesquelles les frontières de certains pays ne restent pas stables. Nous pensons que, le regroupement à une seule catégorie sous le titre général « étranger », de tous les pays en dehors de la Grèce actuelle, facilite la lecture des résultats statistiques. Les tableaux analytiques cependant, restent à la disposition des intéressés.

379.

Pendant la période 1861 - 1896, les régions de la Vieille Grèce enregistrent une augmentation démographique très importante : la population de ces régions augmentera dans 35 ans de 62%, soit d’un rythme annuel de 1.4%. La population de la province de l’Attique (à laquelle appartient Athènes) est en tête puisqu’elle augmente d’un rythme annuel de 3.7%. La population du reste de la Grèce continentale et du Péloponnèse s’ensuive avec un taux de 1.3% tandis que les îles, comme pendant la période antérieure (1839-1861) continuent à perdre leur population puisque le pourcentage de l’augmentation qu’ils présentent n’est que 0,2%. Plus en général nous dirions que pendant cette période, presque toutes les provinces de montagne et les îles approvisionnent les régions de plaines voisines et Athènes. Par règle générale, l’augmentation démographique de cette période a approvisionné les régions où était cultivé le raisin sec (Péloponnèse du Nord et occidental), les plaines et les plateaux qui assuraient une production de céréales plus élevée et la capitale. Ce qui caractérise la période prochaine (1896-1920) pendant laquelle commence l’immigration transatlantique, est l’augmentation démographique importante de la province d’Attique au détriment des plusieurs régions du pays. Pour une présentation plus détaillée cf. Dimitris K Psyhoyos, « Contribution à l’étude des phénomènes démographiques du XIXe siècle », in Revue des recherches sociales, No 63, 1986, p.133-200.

380.

Christos Hadziiossif (dir.), Histoire de la Grèce au XX e siècle, Tome A1, 1900-1922, Les débuts, Athènes, éditions Vivliorama, 1999, p.11.

381.

Tout au long du XIXe siècle, le raisin sec était le produit principal d’exportation du royaume grec. En 1878 même, le raisin sec représentait 80% du total des exportations du pays. Initialement, principale région productrice étaient les régions dans le nord du Péloponnèse et les îles ioniennes. Consommateurs traditionnels du produit était l’Angleterre et, en second lieu, l’empire Austro-hongrois. « Ce monde apparemment immobile commence à se transformer à partir du milieu du siècle, avec la hausse de la demande anglaise en raisins de Corinthe. En effet, la consommation de pudding se répand alors jusqu’aux couches moyennes et pauvres de la société anglaise. Cette augmentation entraîne l’extension rapide de la culture du raisin sec en Grèce, plus lucratif que les céréales. Dans le nord du Péloponnèse, les terres cultivées, la production et les exportations doublent. Un événement imprévisible provoque une nouvelle croissance de la demande : le phylloxéra, qui touche les vignes françaises à partir de 1870. Les Français utilisent alors le raisin de Corinthe comme substitut pour faire du vin (staphidite). Bien que la crise viticole en France soit à l’évidence passagère, les vignobles s’accroissent d’un tiers entre 1878 et 1911. La production française reprend grâce à l’introduction de plants californiens. Elle bénéficie à partir de 1892 de mesures protectionnistes. Une crise de surproduction typique et irrévocable éclate alors en Grèce. L’extension des cultures cesse, mais la crise se prolonge. Entre 1893 et 1911, malgré la réduction de 10 % des surfaces et de la production, 20 % des raisins restent invendus. La crise ne concerne directement que 5 à 8 % de la population —  cultivateurs et commerçants de raisin sec. Elle touche cependant rapidement l’ensemble de l’économie sous forme de crise du change : le raisin de Corinthe constitue en effet le principal produit d’exportation. La valeur des exportations des années 1892‑1895 chute de 75 % par rapport à celle de 1891 et le prix de la livre sterling passe, pour la même période, de 32 à 45 drachmes. L’intervention et les mesures de l’Etat n’a eu que des résultats dérisoires. Il faut attendre 20 ans pour qu’à la faveur d’une hausse générale des prix en Europe le raisin retrouve son cours de 1890 ». Eugénie Bournova, Georges Progoulakis, « Le monde rural grec, 1830-1912 », in Ruralia, n 8-2001, p.13-35.

382.

Sébastien Marre, 2005, p.114.

383.

Syros et son port commercial, Ermoupoli, le plus important du pays et protagoniste du commerce transitaire, est l’une des îles les plus touchées par la décadence de la navigation à voile à la fin du XIXe siècle. Le port du Pirée a donc hérité de son rôle primordial.

384.

Sébastien Marre, 2005, p.110.

385.

C. Tsoukalas, 1992, p.113.

386.

Plus en détail : les femmes de Naxos augmentent de 7% alors que chez les hommes nous notons une augmentation de 0%. Les femmes immigrées de Santorin augmentent de 6% alors que les hommes de 3%. Les femmes de Syros augmentent de 7% et les hommes aussi. Les femmes venant d’Eubée augmentent de 5% et le taux des hommes reste stable. Il se passe la même chose à Ithaque et à Corinthe. Enfin, lors de la dernière période, les femmes de la Laconie augmentent de 9% alors que les hommes augmentent de 2%.