10. « Employés »

Dans les actes de décès dépouillés, la profession de l’« employé » et celle du « serviteur » sont les plus courantes. Au fil du temps, d’autres mentions se rajoutent : Employé commercial, employé privé, employé en banque, commis, huissier, comptable, mais aussi employé à l’hôtel, à l’imprimerie et serviteur d’épicerie. D’ailleurs, avec le temps, l’emploi du terme « serviteur » commence à diminuer : 111 serviteurs meurent à la capitale lors des années 1860, alors que deux décennies plus tard nous en trouvons 93, et à la fin du XIXe siècle le nombre des serviteurs ne s’élève qu’à 50. Au contraire le nombre d’employés, surtout des employés dont la qualification est mentionnée, augmente considérablement.

Les employés enregistrent l’âge moyen au décès le plus bas455 sur le total de la période étudiée : ils meurent dix ans plus tard que les hommes de plus de 15 ans (48 ans contre 38 ans). Ce n’est probablement pas les conditions de travail des employés ou la qualité de leur vie qui entraînent cet âge jeune mais le fait que le serviteur est souvent une jeune personne au début de sa carrière professionnelle.

Tableau 5 : 1859 – 1902. Employés et serviteurs. Age moyen au décès
Profession Ν Age moyen au décès
Employé clairement défini 97 49
«employé» 275 41
«serviteur» 254 32
Total 626 38

Source : Actes de décès 1859-1868, 1879-1884, 1899-1902.

La nature du travail des serviteurs de boutiques et des employés ne semble pas beaucoup varier lorsqu’on se penche sur les détails que donnent les contrats d’embauche. Dans les deux cas il est mentionné que l’employé se doit de travailler « personnellement, soigneusement et régulièrement au sein et en dehors de la boutique » et d’« effectuer tous les travaux que demande son métier ». Par exemple, Dimitrios K. est embauché en 1888 et en 1889 par des employeurs différents. La première année il est embauché pour 4 mois en tant que « serviteur de boucherie » par Nikolaos P.456, boucher ; L’année d’après il est embauché en tant que boucher pour une durée de 8 mois par Stamos H.457, vendeur de bêtes. Ses obligations sont exactement les mêmes mais lors du deuxième emploi son salaire est bien plus élevé. Par ailleurs le jour de la signature du contrat, il reçoit trois mois de salaire en avance. Dans les deux contrats, il est mentionné que Nikolaos va devoir voyager en dehors d’Athènes pour acheter des bêtes qui serviront à son métier. Dans le premier contrat il est clairement mentionné que l’employeur se doit de payer toutes les dépenses des allers-retours, ainsi que la nourriture de son employé.

Il est mentionné dans deux contrats d’embauche que si l’employé démissionne, est dispensé ou refuse d’effectuer les tâches qui lui sont assignées, il doit payer à son employeur une somme de 500 drachmes (16₤), c’est-à-dire une somme qui correspond à 7 salaires.

Des employés finissent par fonder leur propre entreprise. Dans le guide d’Igglessis de 1905 mais aussi dans les contrats de location de boutiques, nous trouvons trois employés (dont l’un était embauché en tant que serviteur d’épicerie) qui ont fini par ouvrir leur propre boutique. Le premier d’entre eux est Ioannis T., vendeur d’alcool, qui en 1891 est embauché458 pour 36 mois par Panagiotis C., vendeur de légumes. En 1905 Ioannis tient un restaurant-bistrot sur la place de Varvakios. C’est en face des Halles, là où se trouve aussi le magasin de légumes de la personne pour qui il travaillait auparavant. Pour ouvrir sa boutique, il a dû investir au moins 21 salaires mensuels459.

Dimitris L. est embauché en 1892 pour 6 mois en tant que serviteur à l’épicerie d’Alkiviadis K.460. Selon ce contrat le serviteur est habitant de la ville de Sparte (Péloponnèse) et il vit à la capitale de manière provisoire. 13 années plus tard cependant, en 1905, il reloue461 pour 39 mois (donc sa boutique a ouvert plus tôt) une épicerie au quartier de Plaka, sur le croisement des rues Apollodorou et Ariou Pagou462. Nous ne connaissons pas la taille de son entreprise mais selon un contrat de vente de 1888463 l’équipement d’une épicerie a été vendu à 30₤ ou 935 drachmes, somme qui correspond à 29 salaires d’un serviteur.

Le dernier cas concerne le boucher Spyridon B.. En 1890 il est embauché pour 6 mois dans la boucherie de (sa famille ?) Panayiotis et Konstantinos B.464, à la rue Poliklitou (très proche des Halles). Le salaire mensuel de Spiridon est bien plus haut que le salaire moyen : Il est de 120 drachmes (4 lires). Un an plus tard, il loue465 une boucherie au croisement des rues Evripidou et Menandrou, c’est-à-dire 4 rues plus loin de la boutique où il exerçait auparavant. En 1905 Spiridon entretient une boucherie sur la rue Adrianou et 4 boucheries sont enregistrées aux noms de ses ex employeurs. Il semble que Spiridon a été employé pour se former mais aussi pour rassembler un capital initial dans le but de créer sa propre entreprise. Les six mois de salaire correspondent au loyer annuel qu’il débourse pour la boutique de sa propre entreprise (720 drachmes).

Nous rencontrons d’autre cas où l’employeur et l’employé ont un lien de parenté. Nous avons deux cas où l’employé est le frère de son employeur466. Dans ces deux cas, le salaire de l’employé (pour environ 10 ans) est très peu élevé. Aussi, le règlement des salaires se fait par le transfert de la propriété des meubles et des marchandises de la boutique.

Les cadres supérieurs sont classés dans un groupe à part. Cette distinction vise à mettre en avant une hiérarchie des métiers puisque nos sources nous fournissent que rarement des informations sur le statut des personnes.

Notes
455.

Nous excluons la catégorie des personnes sans activité professionnelle.

456.

Acte notarié no 1.930 du 28 septembre 1888.

457.

Acte notarié no 2.699 du 29 juin 1889.

458.

Acte notarié no 5.236 du 20 septembre 1891.

459.

Dans les contrats de vente des années 1888 et 1889, la valeur moyenne des meubles d’un bistrot est de 46₤ (1430 drachmes), somme qui correspond à 21 salaires d’un employé commercial.

460.

Acte notarié no 5.580 du 9 janvier 1892.

461.

Acte notarié no 20.319 du 8 juin 1905.

462.

Ces deux rues n’existent plus aujourd’hui car des fouilles sont effectuées dans le chantier de l’Ancienne Agora.

463.

Acte notarié no 1.054 du 22 novembre 1887.

464.

Acte notarié no 4.319 du 20 novembre 1890.

465.

Acte notarié no 4.757 du 4 mai 1891.

466.

La première histoire concerne Ioannis T. qui en 1880 est embauché par son frère Dimitrios pour qu’il travaille dans sa boutique de farine, que ce dernier tient à côté de la station ferroviaire, pour une durée de 9 ans. Malheureusement nous n’avons pas pu retrouver Ioannis dans d’autres sources. En tout cas Dimitrios, en 1905, tient une épicerie-brasserie (probablement) à la même adresse. Acte notarié no 1.486 du 13 mai 1888. La deuxième histoire concerne les frères N. P.. Le frère aîné, marchand tailleur, embauche son frère pour une durée de 10 ans et demi en tant qu’employé commercial. Pour régler le salaire, Christos vend à Dimitrios toutes les marchandises de la boutique. Acte notarié no4.523 du 1 février 1891.