2. Le prix du loyer

Nous décrirons de manière détaillée les types de maisons athéniennes de cette période dans un prochain chapitre. Cependant, il faut souligner ici quelques points. A Athènes du XIXe il n’avait pas de quartiers exclusivement ouvriers ou des immeubles destinés exclusivement aux ouvriers comme dans d’autres pays de l’Ouest (par exemple les bâtiments construits dans le quartier Bloomsbury de Londres en 1850).

Une chose qui caractérise la capitale grecque, c’est que la construction est une initiative privée ; les terrains sont donc petits et assez profonds en arrière520 ; en aval les maisons ont une hauteur limitée. Par le terme « initiative privée » on désigne une personne et non les sociétés de construction ou les organisations charitables, qui construisaient déjà dès le milieu du XIXe siècle des maisons ouvrières et sociales521. C’est dans ces petits terrains qu’a été bâtie la maison typique urbaine athénienne à un ou deux étages, avec ces deux ou trois appartements à louer, qui avaient le plus souvent des entrées autonomes522.

Pendant la période étudiée, il n’y a pas eu un manque de maisons a louer. Parfois même l’offre des maisons est si grande qu’elles restent sans locataires. Par exemple en 1879, 616 maisons - 7,5% des bâtiments de la ville- sont vacantes523. En 1905 le journal Estia revient sur ce fait et dans un article s’est écrit : « Nous trouvons-nous devant un véritable crac des maisons en locations ? C’est la question qu’on finit par se poser en voyant les panneaux de location rester sur de nombreuses maisons, et les propriétaires soupirer à force de penser qu’elles resteront vacantes toute l’année »524.

A Athènes, l’autoconstruction et le prix relativement faible de la construction garantissent aux couches moyennes la possibilité de construire. Ceci se fait avec investissement de travail personnel au moment de la construction et avec la progression de son achèvement par étapes mais aussi par le moyen de l’acquisition du terrain, qui plusieurs fois résulte de la division de terrains agricoles et de la vente de parcelles, qui se transforment en terrain urbain525.

Selon les rapports du Consul anglais526 un ouvrier moyen qui vit à Athènes en 1871 a besoin de dépenser 17% de son budget mensuel pour la location d’une maison: apparemment il s’agit d’une chambre qui « donne » sur une cour avec une cuisine et un w.c. à partager. La même année un ouvrier étranger qualifié (avec un salaire plus important) dépense 20% de ses dépenses de subsistance mensuelles pour le loyer d’un logement « meublé » à Athènes527.

A la fin des années 1880 les familles ouvrières de la région de Lyon dépensent entre 10 et 15% de leur budget pour le loyer528 alors que les ouvriers de Paris dépensent en 1906 16% de leur budget529. A Londres les ouvriers dépensent plus de 20% de leur budget et même parfois jusqu’à 30% de leur budget530. Les ouvriers dépensent à Berlin entre 17-18% de leurs revenus pour se loger lors de la première décennie du XXe siècle531. Quelques années plus tard, en 1916, les couches populaires dépensent 6% du revenu familial pour la location de leur maison au Portugal 532 alors que lors de la même période, pour la couche ouvrière de la Grande Bretagne, ce pourcentage est à peu près de 18%533. Si les données des rapports consulaires sur Athènes sont vraiment valides, il semble que pour les couches populaires du XIXe siècle la part du budget dépensé pour le loyer est au même niveau que celle du reste des pays européens. Il est nécessaire, pour valider cette hypothèse, de procéder à une recherche systématique que nous espérons réaliser dans un avenir proche.

Les actes notariés donnent une image différente. Ci-dessous sont présentées les données tirées des contrats de location.

Tableau 12 : Salaire et coût du loyer
  a. Salaire ₤ b. Loyer ₤ N de contrats b / a
Ouvrier qualifié dans le monde de l’artisanat 2.0 1.69 10 85%
Employé du commerce 2.1 0.95 4 45%
Jardinier 2.5 0.78 5 31%

Source : Fond d’archives du notaire D. G. Vouzikis, 1886-1891 et 1905-1909.

Malheureusement il n’existe pas de recherche similaire en Grèce, ce qui fait que nous ne pouvons pas comparer ces prix moyens. Il semble cependant que le loyer que devaient débourser les ouvriers et les employés au XIXe siècle et au début du XXe absorbe une partie plus grande de leur salaire que chez leurs collègues européens et que les dépenses pour le loyer dépassent les dépenses pour la nourriture. Si les contrats de location dépouillés sont représentatifs des prix, et donc de la part du salaire mensuel dépensé par les locataires, ou pas, ceci constitue encore une nouvelle piste à explorer.

Notes
520.

Manos G. Biris, L’architecture athénienne 1875-1925, Athènes, Editions Melissa, 2003 (b), p.35.

521.

Jean-Luc Pinol et François Walter, La ville contemporaine, Tome I, Jusqu’à la seconde guerre mondiale, Athènes, éditions Plethron, 2007, p.256-258.

522.

Manos G. Biris, 2003, p.35.

523.

C. Biris, Athènes du XIXe au XXe siècle, Athènes, Editions Melissa, 1995 (b), p.198.

524.

Journal Estia, 2 septembre 1905.

525.

Thomas Maloutas, Athènes, Résidence, Famille, Athènes, Editions Exantas, 1990, p.161-167.

526.

Lydia Sapounakis – Dracakis, 1989, Tableau 33, p.375 et Tableau 35, p.377.

527.

Assez d’années plus tard, et selon une étude qui concerne le budget d’un ménage athénien de la couche moyenne en 1939, le loyer d’une maison dans le quartier urbain de Kypseli absorbe 17% des salaires d’un couple de fonctionnaires, voir S. Thomadakis, E. Bournova, 2004.

528.

Yves Lequin, Les ouvriers de la région lyonnaise, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, Tome 2, p.19.

529.

Christophe Charle, 1991, p.287.

530.

Jean-Luc Pinol, Le monde des villes au XIXe siècle, Athènes, éditions Plethron, 2000, p.258.

531.

Jean-Luc Pinol, 2000, p.258.

532.

Miriam Halpern Pereira, 1975.

533.

E. J. Hobsbawm, 1990, Annexes, diagramme No 45.