3. Les revenus plus élevés

Ce qui caractérise ce troisième groupe (revenus moyens par mois de plus de 4₤), c’est qu’au moins 1 propriétaire sur 2 met en location plus d’un bien immobilier. Ces biens (dans leur majorité écrasante des magasins et des maisons –95%) se trouvent surtout dans le centre commercial de la capitale (à côté de la place Omonia et Syntagma, dans le quartier commercial de Psirri, à proximité des banques et des ministères).

Emmanouil S., entrepreneur et propriétaire, loue deux maisons à trois étages, l’une dans le quartier de Kypseli et l’autre dans le quartier de Metaxourgio. Le revenu moyen que lui apportent ces locations est de 676 drachmes (26₤) en 1909, soit égal à 13 salaires d’un ouvrier qualifié dans l’artisanat. Il s’agit d’une somme plus importante que le salaire du Directeur de la Banque Nationale, qui s’élevait à 600 drachmes en 1905 (19.5₤)551.

Quelques employés de la Banque Nationale, propriétaires de maison habitent l’un des étages de ses logements et mettent en location le reste. En moyenne les locations leur rapportent 7.9₤ par mois, c’est-à-dire un deuxième salaire552 de la Banque Nationale. L’un d’eux est Konstantinos K., petit-fils (par sa mère Rosa) du chirurgien Heinrich Treiber553. Sa maison se trouve sur la rue Ermou, très près du Temple de Agioi Assomati554. En 1891 la valeur de cette maison est évaluée à 80.000 drachmes (2.468₤). La valeur de la maison paternelle de K. est similaire. Elle se trouve sur le croisement des rues Evripidou et Praxitelous, à proximité du ministère de l’Economie et du ministère de la Marine. Konstantinos est propriétaire du quart de cette maison. En 1906 seule la location de l’étage du milieu lui rapporte 5.4₤. L’exploitation de deux autres biens (une maison et une boutique) augmente les revenus mensuels de l’employé lors de la même année ; ils s’élèvent à 11₤. Bien entendu, il s’agit d’un cas particulier, vu que la moyenne des revenus du reste des employés est de 4.8₤.

L’exemple suivant nous aide à éclaircir la réalité économique et sociale du métier de l’ingénieur qui est mal pour le XIXe siècle.

En mars 1906, donc, Vassilios P. K., médecin, et sa mère Marigo, veuve de P. K., invitent le notaire D. G. Vouzikis au coin de la rue Patission et Irakliou, à côté du Musée Archéologique et très près de l’Ecole Polytechnique. Sur ce coin se trouve la maison achetée en 1899 par l’ingénieur Ioannis P. K.555. Le notaire s’est déplacé car il a dû procéder à l’inventaire de la fortune de Ioannis, décédé à l’âge de 49 ans. Sa deuxième femme, Théodora556, est la fille de Nikolaos M., comptable de la Compagnie des Mines de Laurion. L’ingénieur avait-il connu son futur beau-père à Laurion ? En tout cas sa première femme Eleni L.557 avait trépassé et leurs enfants mineurs étaient maintenant orphelins de père aussi. Enfin, les autres personnes présentes sont le frère de sa femme actuelle, Michail M., médecin, ainsi que la domestique du décédé, Efthimia, fille de Augousti B.558. La fortune d’Ioannis, comme elle est enregistrée dans les six contrats qui composent l’inventaire après décès559 , est constituée de meubles, de bijoux, d’argent liquide et de biens immobiliers (terrains à bâtir et champs). Leur valeur est de 71.000 drachmes (2.574₤ ou 1.287 salaires d’un ouvrier qualifié dans l’artisanat) sans compter le prix de la maison citée plus haut. En tout cas en 1906, lorsque Ioannis avait loué à un commerçant de peaux l’étage du milieu et du bas de cette maison, le loyer avait convenu à 4.5₤ par mois. En 1907, à la mort d’Ioannis, sa femme loue à un fonctionnaire l’étage du haut de la maison contre 5.5₤.

Il est certain que les propriétaires sont ceux qui à l’origine ont des biens immobiliers et des étendues à exploiter. Il s’agit aussi du groupe qui présente la fourchette la plus importante en ce qui concerne l’importance de leurs revenus. Par exemple Alexandros D. reçoit 4.4₤ par mois en louant une maison sur la rue Praxitelous, au centre commercial de la capitale en 1909. Au contraire Dimitrios S. reçoit 720 drachmes (26,1₤) par mois en louant une maison assez proche de la maison d’Alexandros (en face des Halles). Notons quand même, que la location de Dimitrios inclut une maison et une boutique. Enfin, nous pouvons mentionner le cas du propriétaire Michail S. P., qui met en tout en location 14 biens immobiliers. En 1908, en ayant mis uniquement 8 d’entre eux en location, il reçoit 1.272 drachmes (47₤) par mois en tout.

B. Essai d’analyse de la composition sociale à Athènes du XIXe siècle

Il y a une chose qui est certain. A partir de nos sources, on ne peut pas faire une analyse concrète des catégories sociales uniquement à partir des métiers. Les frontières sont très floues et on ne peut pas les définir. C’est sûr qu’il y a des fortes différenciations à l’intérieur de chaque métier (ex. les médecins, les commerçants). On va surtout rester à l’étude de la hiérarchie de métiers mais on va prendre le risque de tenter une analyse de la composition socioéconomique de la société athénienne au XIXe siècle.

Notes
551.

Petros Pizanias, 1985, p.239.

552.

Le salaire d’un employé de la Banque Nationale en basse position était de 5.85₤ en 1891. Petros Pizanias, 1985, p.239.

553.

Treiber a fondé la première apothèque pharmaceutique militaire. Il a aussi été le premier à procéder à une anesthésie par Ether à l’Hôpital Militaire, en 1846.

554.

Ce temple est souvent mentionné dans nos sources en tant que Assomati Treiber.

555.

Selon le Guide de Grèce d’Igglessis de 1905, Ioannis est Ingénieur de Gaz et habite au numéro 1 de la rue Vas. Irakliou.

556.

Selon l’acte de mariage du Service de l’Etat Civil, I. K., 45 ans, ingénieur, originaire d’Athènes, a épousé Th. M., 36 ans, de Constantinople, en novembre 1902. Les deux époux signent l’acte. Le mariage a été effectué chez Harilaos Notaras dans la paroisse de Z. Pigis. Dans l’inventaire, il est mentionné que le contrat de mariage du couple a été retrouvé parmi d’autres documents.

557.

Leur mariage a du être célébré en 1887 vu que dans un des tiroirs de la maison leur contrat de mariage a été trouvé et il date de cette année là.

558.

Nous savons que Ιoannis, lorsqu’il était marié avec sa première femme, avait aussi à son service une domestique, Poulheria Th. M., originaire de l’île d’Andros.

559.

Actes notariés no 21.033 du 8 mars 1906, no 21.038 du 9 mars 1906, no 21.040 du 10 mars 1906, no 21.043 du 13 mars 1906, no 21.044 du 13 mars 1906 et no 21.047 du 15 mars 1906.