2. Les années 1900

En 1900 la surface de la ville est multipliée par cinq alors que sa population est quatre fois plus importante. Les couches populaires semblent commencer à abandonner le centre historique de la ville pour se répandre vers toutes les directions et préférer des faubourgs qui se trouvent en dehors de la ville. Touts les quartiers/ faubourgs qui enregistrent un taux important de couches populaires lors de cette période, n’étaient pas dessinées sur la carte de la période d’avant. La seule paroisse où ils continuent à résider est la paroisse de Agia Ekaterini où habitent assez de cochers et d’employés du tramway. Les lignes du tram vers la Phalère bordaient l’avenue Amalias avec laquelle voisine cette paroisse. Le Zappio, terminus du tram d’Omonia était aussi très proche.

1899-1902. Couches populaires. Lieu d’habitation. Echelle 1 : 50.000
1899-1902. Couches populaires. Lieu d’habitation. Echelle 1 : 50.000

Source : Actes de décès 1899-1902. Cartographie N. Tsigkas.

Les couches populaires dominent tout d’abord dans la paroisse éloignée de Agios Spiridonas, dans le quartier actuel de Pankrati, dont le premier plan a été dessiné en 1886. Il s’agit d’un quartier clairement coupé du reste de la ville vu qu’il y a le jardin du Palais et le Zappio qui les sépare, et que sa frontière naturelle était le fleuve Illissos. Lorsqu’en novembre 1896686 une inondation frappe la capitale, dans ce quartier (Vatrahonissi), est notée une des plus grandes catastrophes. Le fleuve déborde, les maisons sont détruites et il y a plusieurs noyés. Ce quartier se trouve en voisinage immédiat avec le cimetière de la ville. Le traitement du Guide d’Igglessis montre que ce quartier connaît surtout des activités commerciales (66%). Cependant ces boutiques commerciales sont surtout des cafés, des marchands de vin et des épiceries. En tout cas, selon les actes de décès du Service de l’Etat Civil, beaucoup de conducteurs et d’ouvriers résident dans ce quartier.

Un deuxième pôle d’attraction des couches populaires se trouve dans la partie ouest de la ville. Tout d’abord le quartier de Keramikos. Un quartier qui se trouve entre la station de chemin de fer de Théssio (terminal de la ligne Athènes – le Pirée jusqu’à la fin du XIXe siècle) et sur la rue Pireos à la hauteur de l’usine du Gaz. La paroisse voisine des Agioi Assomati semble aussi être préférée par ces couches. En suite, encore plus à l’ouest, le faubourg agricole de Prophitis Daniil, en voisinage immédiat avec le chemin de fer Athènes-Péloponnèse, concentre aussi un nombre important de ces individus.

Le troisième pôle d’attraction se trouve au Nord de la ville ; Il s’agit surtout du quartier d’Agios Pavlos et du quartier d’Agios Konstantinos –Pl. Vathis. Des quartiers qui sont bordées d’une part par la station ferroviaire Athènes-Péloponnèse et de l’autre par la station ferroviaire d’Omonia, qui a commencé à fonctionner à la fin du XIXe siècle. Leur voisinage immédiat avec le quartier de Metaxourgio, une zone productive de la capitale, qui regroupe d’importants ateliers, est certainement un fait important. Surtout à partir du moment que dans les actes du Service de l’Etat Civil, il n’y a pas d’Eglise Paroissiale dans ce quartier. Par conséquent, les habitants du quartier de Metaxourgio ont été enregistrés dans des quartiers voisins. Sinon, encore plus au Nord, le faubourg agricole de Patissia rassemble un nombre important de jardiniers et d’ouvriers.

A partir de cette période, un regroupement de couches populaires (mais pas aussi important) est observé dans deux autres endroits : dans le faubourg éloigné d’Ambelokipi et dans le quartier de Petralona. La fondation de l’usine de chapeaux de Poulopoulos (1896) ainsi que le déménagement de la chocolaterie de Pavlidis sur la rue Pireos en 1884, semblent influer sur la constitution de ce quartier. Enfin, le quartier à côté de la colline du Lycabette (Neapoli) concentre aussi une petite partie de cette population. Il s’agit d’une partie de la ville où il semble déjà dès 1873 qu’un noyau d’habitations populaires c’est formé. Un journaliste anonyme écrit dans l’Inspection économique : « les ouvriers ont la tendance tribale d’obtenir un bien immobilier, un phénomène économique très développé en Grèce, comme en témoignent les maisons, surtout ouvrières autour d’Athènes, au fleuve d’Ilissos et entre le Lycabette et le quartier de Pinakota »687.

Même si lors de cette période le phénomène de coexistence des couches populaires avec les couches sociales aisées continue, il semble que l’élite aussi s’éloigne du centre commercial de la capitale en direction du Nord et du Nord-Est, en restant cependant dans les limites de la ville. L’élite athénienne habite tout d’abord dans le quartier d’Agios Konstantinos –Pl. Vathis, un quartier qui, comme nous l’avons vu, regroupe un taux important des couches populaires. Le second de leurs choix semble être le quartier voisin d’Exarhia. Il s’agit de deux nouveaux quartiers, en voisinage immédiat avec la place d’Omonia et l’Ecole Polytechnique, mais aussi avec le centre économique et administratif de la capitale. Aussi, l’élite se regroupe dans les quartiers de Kolonaki – un quartier qui se développera lors des prochaines décennies comme « beau quartier » de la capitale- et de Neapoli. La vérité est que ces trois derniers quartiers (Exarhia, Kolonaki, Neapoli) couvrent une surface bien plus importante que les autres. L’étude des îlots ou d’une rue serait beaucoup plus révélatrice des comportements sociaux. La source utilisée ne nous permet pas cependant de telle micro-analyse.

Enfin, l’élite athénienne, comme dans la période précédente, continue de montrer sa préférence pour les trois quartiers névralgiques du centre ville : Le quartier de Karitsis, (Banques, ministères, bourse), la paroisse des Agioi Anargiri dans le quartier commercial de Psirri et la paroisse la proche du Palais, Metamorfossi Sotiros.

1899-1902. Elite. Lieu d’habitation. Echelle 1 : 50.000
1899-1902. Elite. Lieu d’habitation. Echelle 1 : 50.000

Source : Actes de décès 1899-1902. Cartographie N. Tsigkas.

On s’arrêtera sur deux exemples caractéristiques de la coexistence des deux couches. En 1905688, Sp. et K. Koumoundouros, fils du premier ministre Alexandre, habitent au numèro 9, de la place de la Liberté (aujourd’hui Koumoundourou). Spiridonas est ministre alors que Konstantinos est député et officier. Au numéro 2 de la place habite en autres un tanneur, au numéro 4 un épicier et au numéro 12 un vendeur de farine. Lors de la même année le ministre des affaires de l’Eglise et de l’éducation Ch. Kallifronas réside au numèro 29 de la rue Halkokondili. Au numéro 27 réside un vendeur de bois et au 28 un cocher.

Le tableau 40 confirme l’abandon progressif des quartiers centraux de la part des deux couches sociales pour se disperser dans plus de paroisses que la période précédente. En dehors du quartier de Plaka et de Monastiraki, et malgré la coexistence, la présence de l’élite est claire dans les quartiers les plus centraux. Comme à Marseille et à Londres689, il semble que dans la plupart des quartiers, lorsque nous notons une forte présence de la couche populaire, il y a peu d’individus appartenant à l’élite et inversement. Sans que cela signifie l’absence de l’élite.

Ce qui est intéressant à Athènes, c’est l’éloignement marqué des couches populaires du centre. Les exemples rencontrés en Europe de l’Ouest montrent le contraire690 : Le ticket du train cher, la perte de temps dans les transports, l’éloignement des Halles moins chères, « obligent » les couches populaires à rester dans des quartiers centraux. La périphérie et la banlieue sont plutôt habitées par l’élite. L’élite athénienne cependant préfère rester au centre ville où sont rassemblées toutes les activités économiques et administratives de la ville. D’ailleurs, la première banlieue aux normes anglaises des garden cities a été créée aux années 1930. Il s’agit de la banlieu de Psichiko au Nord d’Athènes, mais très proche d’elle. Psichiko, dès le départ attira des individus avec des revenus importants et elle garde encore ce caractère. C’est une des banlieues les plus chères de la capitale691.

Tableau 39 : 1905-1909. La présence des couches sociales dans divers quartiers de la ville (%)
Quartiers Couches populaires Elite
Centre commercial 2 12
Monastiraki - Plaka 16 13
Psirri - Koumoundourou 7 8
Kolonaki 3 10
Exarhia 4 13
Neapoli 3 8
Agios Konstantinos – Pl. Vathi 6 14
Agios Pavlos 6 6
Agios Panteleimon 4 6
Patissia - Kypseli 8 3
Faubourgs 41 7
Total  100 100

Source : Actes de décès de la Mairie d’Athènes. Dépouillement personnel.

Notes
686.

Journal Empros, 16 novembre 1896.

687.

« Quartiers ouvriers » in la revue Economiki Epitheorissis, 1e année, Feuille Ζ’, septembre 1873. (Bibliothèque Institut de recherches néohélleniques – Centre National de Recherches).

688.

N. G. Igglessis, Guide de Grèce, 1ère année, 1906-1906.

689.

Jean-Luc Pinol, 2000, p.236-237.

690.

Jean-Luc Pinol, 2000, p.240-242.

691.

P. Balomenos et Th. Palaskas , Le rôle du Real Estate au sein de l’Economie du Pays et conditions de son développement, Athènes, Fondation pour la recherche économique et industrielle, Code 16/06.