Privilégier le parcours et les processus plutôt que le résultat et l’écart à la norme linguistique amène à prendre la mesure de la diversité de ces parcours. Les migrations ne sont pas toutes équivalentes, et les modes de transmission sont différents selon les familles, les groupes linguistiques, les pays d’accueil. Ainsi, des différences apparaissent-elles entre les bilinguismes présents aux Etats-Unis, où le bilinguisme anglais-espagnol persiste mieux que les autres (études de Fishman dans les années 1960, de Veltman dans les années 1980), entre ceux des migrants turcs et marocains en Belgique (Crutzen & Manço, 2003, 73 à 107), en termes de contacts avec la langue d’origine, maîtrise de la langue d’origine et de celle du pays d’accueil, etc.
Les études sur les langues de diaspora, encore récentes22, donnent légitimité et visibilité aux phénomènes linguistiques liés à la mobilité, au même titre que ceux qui s’inscrivent dans le contexte de la langue d’un état nation. Anaïd Donabédian (2001, 7) situe la première publication française en 1994, dans un volume de la revue Plurilinguismes. L’ouvrage qu’il a dirigé, paru en 2001, trace un panorama des langues de diaspora, dont plusieurs sont pratiquées en France. Ces études permettent d’étudier les comportements linguistiques de locuteurs qui ont des pratiques interlangues délibérées et conscientes, par exemple les locuteurs de judéo-espagnol en Turquie, pour qui « c’est le plurilinguisme qui est considéré comme identitaire » (Varol, 2001 : 86-87) :
‘Ils détaillent à plaisir les incongruités de leur turc, et les fautes qu’ils font. Ils sont intarissables sur l’explication du mélange des langues dont témoignent leurs variétés.’L’Europe n’est plus considérée seulement comme une addition d’états nations, et les travaux encouragés par les institutions européennes rendent compte du « plurilinguisme fonctionnel des populations européennes » (Lüdi, 2004, 165) et créent des outils pour encourager son développement.
Certains pays, par le regard qu’ils portent sur leur littérature, ouvrent la voie d’une réflexion plus large que la stricte association langue et nation. Citons la Pologne, qui depuis longtemps étudie les mouvements littéraires et la littérature en langue polonaise de l’émigration au même titre que celle produite en Pologne.