2.2. Les compétences plurilingues dès la maternelle

Le dispositif s’est avéré simple à mettre en place et riche en possibilités d’observations des élèves. Il confirme que les enfants, dès le cycle 1, sont capables comme ceux de l’école primaire de faire appel « à un métalangage pour expliquer, analyser, faire des commentaires, donner des explications », (Marie-Anne Paveau, 2005 : 100). Le fait que les enfants repèrent plus facilement les indices hors-texte pour des types de documents qu’ils connaissent bien confirme, s’il en était besoin, l’intérêt de les familiariser en classe avec une grande variété de types de documents (oraux, audio-visuels, écrits), y compris lorsque le contenu de ceux-ci ne leur est pas immédiatement compréhensible, afin de développer leurs stratégies co-textuelles. Il serait utile d’introduire deux groupes témoins : l’un sans passer par l’étape d’écoute seule des documents, comme nous l’avons évoqué plus haut, l’autre en utilisant seulement des documents télévisuels en langue française, afin de mesurer complètement l’impact de l’utilisation de langues différentes. Les tâtonnements des enfants pour nommer et décrire ce qu’ils entendent ou ce qu’ils voient mettent en évidence à quel point l’éducation à l’image et aux médias est à la fois nécessaire et aménageable dès la maternelle.

Cette activité agit sur les langues des environnements familiaux des élèves, en termes de reconnaissance, sur maîtrise de la langue de l’école lors des énoncés expositifs sur les photographies et des débats autour des documents entendus, sur la compétence pragmatique et transversale d’identification de situations langagières. Elle encourage les enfants à faire état de leurs savoirs linguistiques acquis en dehors de l’école. Elle donne à tous l’accès à une plus grande diversité linguistique, et permet d’aborder de manière active quelques éléments de leur connaissance des langues : les emprunts, l’alternance codique. Les enfants déjà familiers d’un bilinguisme perçu positivement par leur entourage entrent rapidement dans l’activité ; pour celui qui présente plusieurs symptômes d’un bilinguisme soustractif (difficultés d’expression en français, réticence à s’exprimer à propos de sa langue familiale), c’est à la fois le dispositif et les interactions associées qui l’encouragent à participer plus activement à la communication et à exprimer ses connaissances. Cette activité d’éveil aux langues encourage les enfants à considérer leurs langues de vie comme un capital positif ; elle place ceux qui sont dans un contexte plurilingue en position d’expert pour une situation collective, sans les assigner à une identité linguistique ou culturelle et sans donner à leur langue un statut autre que celui de son utilité pour l’activité et pour le groupe.