3.3. Les compétences et les répertoires plurilingues

Les mêmes montages sonores provoquent des réactions différentes dans les sept classes, mais des constantes apparaissent : interroger les élèves de manière directe sur leurs savoirs fait émerger peu d’éléments des répertoires plurilingues ; à l’inverse, une activité d’éveil aux langues et l’écoute en collectif de différentes langues permettent aux élèves de convoquer leurs diverses expériences. Ils identifient alors des langues connues, et à travers le débat et la confrontation de points de vue, ils peuvent aborder des langues inconnues et différentes notions avec l’enseignant, sous réserve que ce dernier puisse analyser les propos des élèves et y réagir rapidement en faisant le lien avec d’autres éléments. Ce prélude à l’enseignement d’une langue étrangère donne le même statut à toutes les langues présentées, et incite les enfants à faire de même. L’activité de reconnaissance et de débat inscrit d’emblée toutes les langues dans une égalité de valeur, qu’elles fassent partie de la sphère scolaire ou familiale. La prise de conscience par le groupe classe de ces langues partagées est un temps fort ; si au cours de l’enseignement de la langue cible ce capital langagier commun est rappelé et mobilisé, il pourra contribuer à l’apprentissage. Ceci d’autant plus fortement que ce type d’activités révèle, valide et mobilise plusieurs connaissances et compétences inhérentes au « parler bilingue » : conscience de la norme, des variétés, des aires linguistiques, repérage de formes linguistiques, capacité à auto-évaluer ses compétences.

Les trois situations que nous avons explorées, les créations enfantines en dehors du cadre scolaire, la typologie d’oraux télévisuels en maternelle et la reconnaissance de langues en école primaire, montrent plusieurs facettes du terreau plurilingue chez les enfants. Elle confirme la nécessité d’explorer les filtres qui peuvent gêner la transposition didactique des savoirs dans la classe de langue : outre l’écart entre les savoirs sur le plurilinguisme et la pluralité des cultures et les pratiques de classe, ces situations nous incitent à explorer un autre écart, celui entre la perception par les enseignants des capacités de leurs élèves et la réalité de celles-ci.