1.4. Les répertoires plurilingues observés par les Eurobaromètres

Les orientations prises par les instances européennes s’accompagnent de l’observation des habitudes des citoyens de l’Union européenne. En 2001 puis en 2005, l’Eurobaromètre, outil qui recueille et diffuse les opinions et les comportements des Européens, a permis de mener une enquête sur leurs pratiques langagières. Le multilinguisme y est défini d’une part comme « une situation où plusieurs langues sont parlées dans une certaine zone géographique » et d’autre part comme « la capacité d'une personne de maîtriser plusieurs langues. En tant que tel, le multilinguisme constitue une caractéristique essentielle de l'Europe dans ses deux sens» (2005 : 2) . Nous avons confronté ces deux Eurobaromètres, ainsi qu’une partie de celui de 2007 sur les comportements culturels, aux objectifs définis dans le Cadre Européen Commun de Références pour les Langues et dans le Livre Blanc, et nous avons recherché les points de cohérence entre ces outils d’observation et d’orientation.

Le Livre Blanc et le Cadre Commun de Référence pour les Langues privilégient les compétences plutôt que les performances et les connaissances, valident divers degrés de maîtrise dans différentes situations et différentes langues et prennent en compte la diversité des pratiques plurilingues et pluriculturelles. L’Eurobaromètre – 54 de 2001 se propose de rendre compte des compétences linguistiques des citoyens des 15 pays de l’Union, en 2000, à travers des questions adressées à 16 078 personnes. Sept domaines sont abordés : les langues connues, les langues utiles à connaître, la pratique des langues étrangères, comment les Européens ont appris ces langues, l’apprentissage d’une langue, les raisons pour apprendre ou non une langue, et les opinions sur la connaissance et l’apprentissage. Celui de 2005 (63.4) a été mené auprès de 29 328 personnes vivant dans les 25 états membres, ainsi qu’en Bulgarie, Roumanie, Croatie, Turquie (et au sein de la communauté chypriote turque) ; les domaines abordés sont sensiblement les mêmes qu’en 2001. Nous évoquerons également l’Eurobaromètre 278, publié en septembre 2007, et résultat d’une enquête conduite en février et mars 2007 sur les comportements et valeurs culturelles des citoyens des 27 pays membres et du Danemark.

Le Livre blanc, le CECRL et les Eurobaromètres sur les langues sont en cohérence sur plusieurs points : la prise en compte d’une large palette de langues, la reconnaissance chez un même individu de compétences partielles dans différentes langues, la validation des apprentissages en situation informelle, la reconnaissance des pratiques plurilingues privées, le repérage des impacts du bilinguisme familial, du parcours migratoire ou d’autres formes de mobilité sur les répertoires plurilingues.

Mais plusieurs écarts apparaissent entre les axes de réflexion du CECRL et les représentations sur les pratiques langagières telles qu’elles apparaissent dans des questions des Eurobaromètres : certaines langues maternelles ne sont pas répertoriées, et plusieurs pratiques bilingues sont visibles ou ne le sont pas, selon le mode de questionnement. Les descriptifs de compétences et de contextes sont restreints. Les réponses peuvent varier, selon la conception « eurocentrée » ou plus large de l’enquête. L’intitulé même de l’enquête et de certaines questions peut être déterminant.