4. Rendre compte des réalités linguistiques, quels enjeux ?

La contribution des dix-neuf manuels d’histoire analysés aux conceptions des enseignants sur les pratiques linguistiques de leurs élèves peut être résumée comme suit : les langues sont des blocs purs et homogènes et les patois n’en sont que des modifications. Le plurilinguisme reconnu est celui de l’homme de lettres, membre de l’élite. Les langues sont enseignées à l’école, transmettent les savoirs via l’écrit (traduction de textes), et sont surtout des outils pour les rapports de force entre groupes. Elles ne sont des outils ni pour la communication, ni pour des apprentissages via l’oral. Globalement, même si les manuels actuels analysent les comportements humains et ont une vision plus anthropologique de l’Histoire que par le passé, ils ne s’intéressent pas aux comportements linguistiques en tant que savoirs sociaux, et ne mentionnent les langues que dans la mesure où elles sont en lien avec la « Grande Histoire ». Ces caractéristiques sont observables indépendamment du niveau de classe ou de la période historique abordée. Comment alors l’enseignant pourrait-il reconnaître sa propre biographie langagière et celle de ses élèves, et y trouver des ressources pour l’enseignement du français ou d’autres langues ? En quoi l’élève peut-il être encouragé à puiser, dans ses propres acquis hors-scolaires, des repères pour mieux comprendre les langues de l’école ? Et si, comme Suzanne Citron le proposait déjà (1987 : 25), les manuels passaient d’une « logique d’inculcation » à une « logique d’explication » ?