2.5.2. Les compétences et stratégies plurilingues, l’autonomie de l’apprenant

Le second groupe de manuels que nous avons analysés répond à la prescription programmatique et annonce une forte adhésion aux contenus du CECRL. Ceci nous a conduit à rechercher pour chaque manuel, outre la prise en compte des compétences langagières et des acquis dans des langues tiers, abordée ci-dessus, les encouragements à l’observation réfléchie de la langue, la place des compétences plurlingues, les incitations de l’élève à l’exploration des ressources en autonomie guidée et à l’auto-évaluation.

Les stratégies plurilingues sont abordées de manière non systématique et très diversifiée. Pour l’allemand, Zusammen est, écrivent ses auteurs, un outil « prenant en compte les évolutions les plus récentes de la didactique des langues en lien avec le Cadre européen commun de référence pour les langues » (2005 : 3). Ils se situent d’emblée dans une approche plurilingue, qu’ils développent très largement et avec précision (2005 : 5 – 16 du livre du professeur).  Ils citent le CECRL à propos des compétences et des stratégies transversales à plusieurs langues, les travaux de Michel Candelier sur l’éveil aux langues (2005 : 10) et montrent comment l’apprentissage de l’allemand peut participer de cette approche plurilingue. Le manuel Wie geht’s utilise les noms propres de personnages familiers pour faciliter la compréhension par les enfants : « Asterix ist nicht so dick wie Obelix, Asterix is not as big as Obelix, Obelix ist dicker als Asterix, Obelix is bigger than Asterix » (2005 : 120).

Pour l’anglais, les auteurs de Cup of tea considèrent

‘(qu’)on ne peut pas s'appuyer uniquement sur l'implicite et qu'il est totalement indispensable d'amener les enfants à prendre conscience des stratégies qu'ils utilisent pour résoudre leurs difficultés et pour identifier correctement les situations d'énonciation.’

Et ils en avisent les élèves : « apprendre une langue, c'est être capable...d'utiliser en fait tous tes sens et tes connaissances pour comprendre ce qui se passe autour de toi ». L’appui sur le contexte est assuré grâce aux liens faits avec d’autres disciplines, dans les pages « Power Action », et avec le français : par exemple l’utilisation de la mélodie commune à l’anglais et au français, pour la chanson d’anniversaire traditionnelle (2006 : 33), et que les auteurs proposent de reprendre dans d’autres langues. Les compétences sociolinguistiques, « les usages dans les relations interpersonnelles », sont aussi abordées pour des énoncés simples, par exemple pour « Mum, Mummy, Mother ». Pour la première année, la présentation des cris d'animaux et des onomatopées en anglais peut déclencher le débat des élèves sur les différentes représentations du réel (guide pédagogique 2006 : 57, 69).

Pour l’espagnol, Piruli amène les élèves à « repérer les ressemblances et les spécificités d'un écrit » d’une langue à l’autre, en espagnol et en français, et la «  structure récurrente d'un conte traditionnel ».

Pour l’italien, les auteurs de Piacere se réclament du CECRL et des nouveaux programmes, sans préciser quels sont les éléments qu’ils en mettent en œuvre. Les photos de journaux de différents pays, dans plusieurs langues, peuvent encourager l’enseignant à faire prendre conscience aux élèves des fonctions de l’écrit et des stratégies interlangues de reconnaissance de l’écrit. Mis à part cet élément, les stratégies plurilingues sont absentes ; la rubrique Riflessione sulla lingua expose les règles de la langue plus qu’elle n’invite à une réflexion métalinguistique ; dans le cahier de l’élève, il s’agit d’exercices de grammaire, et l’élève est invité à appliquer des règles plus qu’à pratiquer une observation réfléchie sur la langue : ainsi de ces extraits :

‘Conjugue le verbe essere aux personnes proposées : ……(essere, tu) italiano. ………. (essere, noi) francesi. ……… (essere, io) algerino, etc. (p. 13)
Mets au futur : Aspetto mio fratello per partire ; compro un projumo per mia madre ; Leggi il giornale sportivo ; Prende la metropolitana romana. Compriamo un regalo per i nonni. Ma quanto costa quel maglione ? Un giaccone copre di più il corpo. (p. 51)’

Qu’en est-il de l’autonomie de l’apprenant, et plus particulièrement de l’auto-évaluation ? Plusieurs manuels prévoient des outils d’auto évaluation. Wie geht’s annonce dans sa préface à l’élève« des aides efficaces pour faire le point et évaluer toi-même tes progrès » (2005 : 3). Les fiches d’évaluation ne sont pas seulement conçues comme des exercices linguistiques (« de quels pronoms dépendent les formes verbales suivantes ? classe les dans le tableau », 2005 : 26) mais aussi comme des situations de communication à résoudre. Zusammen met en place à intervalles réguliers des fiches d’auto évaluation qui font le lien entre le CECRL et ce qui a été abordé dans le chapitre, en termes de fonctions langagières (« Je peux comprendre l'identité de quelqu'un » 2005 : 23), de compétences linguistiques (« je suis capable d'utiliser les formes qui permettent d'exprimer l'appartenance », 2005 : 23), de stratégies (« je peux anticiper sur une réponse en repérant une question, … apprendre le vocabulaire en le classant par paires. »).

Hullabaloo pour le niveau 1 prévoit un English scrapbook, « un journal où tu réuniras tes découvertes et tes progrès », et pour le niveau 2, un parcours d’apprentissage qui permet à l’élève de se positionner par rapport aux cinq activités du CECRL.

Cup of tea propose pour chaque unité « une page Evaluation, pour permettre de contrôler l'acquisition des savoirs abordés dans l'unité », et dans les annexes du Guide Pédagogique, « une fiche d'évaluation photocopiable à remplir au fur et à mesure de l'année » en lien avec le niveau A1 du CECR. Domino & co prévoit des fiches d’auto évaluation, mais dans le livret de l’élève, les fiches ne paraissent pas destinées à être complétées en autonomie (guidée ou non) par les élèves :

‘L’élève peut communiquer de façon simple, à condition que l’interlocuteur soit disposé à répéter….. L’élève peut utiliser des expressions et des phrases simples pour décrire. L’élève ose prendre la parole … La voix est audible… Les phonèmes spécifiques sont bien restitués …La morphologie est correcte (conjugaison, accords).’

Hop in ! fait figurer le tableau A1 du CECRL, mais se contente de conseiller de motiver les élèves avec les «  well done cards », et ne prévoit pas d’auto évaluation.

Piruli prévoit que «c haque élève pourra régulièrement tester ses aptitudes et ses capacités, ses progrès et ses connaissances, tout à fait dans l'esprit des programmes et du Port-Folio européen » (p. 2). Piacere prévoit plusieurs fiches d’évaluation dans le cahier d’exercices. Les acquis reprennent les descripteurs du CECRL, mais gradués en sous-catégories A, B, C, D du niveau A1, d’où une impossibilité pour l’élève à se référer au portfolio et à comparer ses progrès en italien et dans d’autres langues.