Chapitre I. Les mémoires professionnels

Ce chapitre a d’abord été une étude centrée sur l’interculturel dans la formation initiale et continue (Dinvaut, 2006 : 37 – 52). Nous avons considéré que les langues des élèves font partie des cultures de ceux-ci et que le traitement qu’en font les enseignants est un acte interculturel. En 2004, lorsque nous avons fait cette analyse de mémoires professionnels, et encore aujourd’hui en 2008, il n’existe pas d’état des lieux de la didactique de l’interculturel dans la formation donnée aux futurs professeurs des écoles à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Lyon : cette didactique est présente, de manière implicite ou explicite, dans plusieurs disciplines et contenus de formation. Les domaines qui abordent l’interculturel de manière privilégiée et explicite sont les formations liées à l’international, à la thématique de l’égalité filles-garçons, à la didactique des langues et cultures étrangères, à celle du français langue seconde ou étrangère. D’autres champs disciplinaires abordent ponctuellement la problématique de l’interculturel : des éléments d’ethno-mathématiques, la réflexion sur les espaces urbains, la notion de mémoire (mémoire collective ou rituel social lié à des temps forts de l’Histoire), l’histoire de la colonisation, des guerres d’indépendance et des migrations, les disciplines artistiques. Ce sont donc les mémoires de toutes les disciplines qui sont susceptibles de traiter cette problématique, de manière approfondie ou ponctuelle.

L’analyse de mémoires est un indicateur réduit de la réflexion sur l’interculturel, pour plusieurs raisons : les mémoires ne constituent que l’un des éléments de la courte formation en alternance suivie par les enseignants ; leur lecture ne permet pas un regard approfondi sur ce dispositif, qui comprend également un accompagnement collectif, le séminaire, et individuel, la direction de mémoire. Cependant, compte-tenu de la variété de thématiques abordées, cet indicateur permet une vision à la fois large et pluridisciplinaire. Par ailleurs, l’écriture du mémoire permet à leurs auteurs, s’ils le souhaitent, de mettre en lumière des passerelles entre leur vécu personnel et la construction de leur identité professionnelle. Les professeurs des écoles stagiaires viennent d’horizons universitaires ou professionnels diversifiés, et au cours de leur année de formation, découvrent à la fois la culture du monde éducatif, celle de chaque école dans laquelle ils sont en stage, et les cultures de leurs élèves : les évoquent-ils dans leur mémoire professionnel, et quel traitement en font-ils dans la classe ? Nous avons exploré les mémoires pour rechercher dans quelle mesure le regard des enseignants stagiaires sur les élèves indique une conscience de l’altérité.

Les cinquante mémoires que nous avons analysés en 2004 ne sont pas nécessairement rédigés autour d’une thématique directement liée au culturel, à l’interculturel ou au plurilinguisme. Plusieurs champs disciplinaires sont abordés : le français, les langues étrangères, les arts visuels, l’éducation musicale. Ma lecture est uniquement centrée sur la présence et le traitement de l’interculturel, et n’analyse pas les autres aspects de ces mémoires ; cette analyse bien sûr ne présage en rien des compétences que développeront les enseignants au cours de leur carrière, le mémoire professionnel n’étant que l’une des étapes et l’une des productions de leur parcours de formation.

Nous ne pouvons, à travers la lecture d’un mémoire, juger des compétences interculturelles d’un enseignant ; mais nous pouvons rechercher dans les réflexions théoriques et les expérimentations mises en place ou envisagées, la présence de trois éléments : la conscience de la donne culturelle, la connaissance de données théoriques sur l’interculturel, la compréhension des situations relatées. Nous avons dans un premier temps analysé comment les rôles de l’école, la relation école-famille, les cultures mentionnées et les profils d’élèves étaient ou non traités, et de quelle manière. Nous analysons ensuite les écrits des enseignants sur les interactions des différentes cultures présentes dans la classe et la manière dont ils abordent les langues de leurs élèves.