1. Les répertoires

Les sept enseignants que nous avons rencontrés choisissent les comptines et chansons pour la classe avec des objectifs précis : les premiers cités sont les apprentissages langagiers, pour tous les sept : objectifs phonologiques (comptines à chuchoter, rimes, vire-langues), pratique de structures (dialogue, forme interrogative), découverte de lexique ou des lettres de l’alphabet. Des élèves qui ont de grandes difficultés en français et s’expriment peu sont désinhibés par les comptines et les chansons : la mélodie, le rythme, les gestes les aident à entrer dans le langage (école A). Ces critères sont aussi ceux des deux enseignantes (école B) qui introduisent l’anglais : elles choisissent des mélodies simples, des textes faciles à mémoriser, qui comprennent des verbes d’action et entraînent à la discrimination auditive.

Sont ensuite mentionnés, par les trois équipes, les apprentissages musicaux (le rythme, les tonalités) et plusieurs objectifs transversaux :

  • La structuration du temps, la ritualisation, grâce à des « comptines qui accompagnent les gestes de la vie quotidienne ». Un enseignant (école C) recherche le lien intergénérationnel dans son choix de comptines ou de chants.
  • Les apprentissages moteurs, avec des comptines gestuelles, pour s’étirer, bailler, connaître le schéma corporel ; pour délier les doigts des plus jeunes et pour ancrer dans le geste la mémoire et la maîtrise du langage.
  • L’apprentissage de la socialisation, avec des comptines et des chansons pour apprendre le prénom des autres enfants, pour fédérer le groupe, le motiver ou le ramener au calme.
  • D’autres savoir-faire, par exemple avec les comptines numériques.
  • La création d’une culture commune du groupe-classe et l’implication de tous les élèves.
  • La « recherche de l’universel », pour un enseignant (école C), qui met ses élèves «en contact avec des rythmes et des sonorités universelles », à travers des comptines de différentes origines. Il s’agit pour lui de « libérer cet universel » que tous les enfants ont en eux-mêmes, et de leur permettre ainsi de comprendre et de s’approprier le patrimoine français.

Les répertoires qui nous ont été présentés n’ont pas une structure intangible et ne font pas nécessairement l’objet d’une programmation anticipée. Les enseignants des trois écoles refusent délibérément un répertoire en appui sur le calendrier annuel (par exemple les fêtes ou les saisons), et préfèrent le structurer par une intention pédagogique, susceptible d’évolution au fil de l’année. L'équipe de la première école (A) a adopté le répertoire construit par des intervenants extérieurs pour plusieurs écoles en début d’année scolaire, et n’y a rien ajouté. Les enseignantes des deux écoles lyonnaises (B et C) créent un « fil rouge », qui permet de mettre en scène les comptines, structure et donne cohérence à un répertoire qu’elles considèrent comme très diversifié : des personnages-marionnettes, une « valise extraordinaire » (école C). Un enseignant (C) « s’appuie sur trois plots : celui de son identité et de sa culture personnelle, celui de la culture pédagogique et celui de l’universel ».