1.2. Les autres langues des répertoires d’élèves

Les recueils de représentations concernent la langue cible ou d’autres langues apprises dans le cadre scolaire. Qu’en est-il des langues acquises ou côtoyées par la pratique sociale (langue familiale, de voisinage, de vacances) ? A la question « Quels sont les profils des élèves et leurs contacts avec d’autres langues, langues d’origine, … ? », les réponses de plusieurs enseignants indiquent que leur représentation des élèves français n’intègre pas l’éventualité de répertoires plurilingues ; ceci n’est pas en contradiction avec notre analyse, plus haut, des manuels d’histoire et de langue. Une enseignante de primaire (2003) répond qu’elle n’a « pas d’élèves étrangers » ; une enseignante de collège (2003) pense être « assez peu en situation d’explorer » cela, et remarque que les élèves sont majoritairement français depuis deux générations, mais que de nombreux élèves ont des noms italiens : « on en parle pas ma mémé elle parle italien ça va pas plus loin que ça (…) je ne leur demande pas si ils ont une grand-mère anglaise non je leur demande si ils ont fait une autre langue à l’école ». Une autre enseignante de collège (2008) associe elle aussi les répertoires plurilingues aux seuls élèves étrangers : « Sur notre secteur de recrutement, nous n’avons quasiment pas de population étrangère et très peu de nos élèves sont exposés à d’autres langues que leur langue maternelle ». Elle ne fait « aucun recensement systématique vu le peu d’élèves concernés ». Cette réponse écrite mériterait d’être explorée avec l’enseignante : à partir de quel nombre d’élèves un élément particulier de leur profil a-t-il lieu d’être recensé ?

Pour les enseignants que nous avons interrogés, l’exploration du répertoire linguistique des élèves n’est pas systématique et ils en ont une connaissance approximative : « Les élèves du secteur (…) sont principalement d’origines européennes mais il me semble qu’ils ne pratiquent pas pour autant une langue étrangère (ex : l’espagnol) à la maison. (…) Je me fie uniquement aux patronymes des élèves ainsi qu’aux échos des parents quant à l’apprentissage de la LV2 puisque je suis professeur principal d’une classe de 3 e . La langue d’origine est rarement pratiquée à la maison. » (2008). L’enseignante d’allemand (2003) n’a « pas de recherche particulière par rapport aux autres langues que l’allemand en revanche j’ai des informations permanentes sur leurs contacts avec l’allemand ils viennent me le dire ils viennent me le raconter ce que leur papa a ramené d’Allemagne le séjour qu’ils vont faire à tel ou tel endroit ». Une enseignante de primaire (2008, CM2) a un élève dont la mère est autrichienne, il fait souvent des passerelles entre l’anglais et l’allemand qu’il parle. Elle constate que « les enfants parlent assez facilement de leurs origines si elles sont valorisées » 

Quatre des neuf enseignantes, trois à l’école, une en collège (2003), repèrent les répertoires linguistiques de leurs élèves de manière informelle mais attentive, d’une part lors de la première séance de langue, d’autre part à l’occasion de projets ou d’activités. Les enfants de cours préparatoire répondent facilement aux questions sur leurs langues familiales (l’allemand, l’arabe, le portugais) et disent les mots qu’ils connaissent dans ces langues. Une enseignante de CE2 (2003) a des élèves arabophones et turcophones, à des degrés divers de compétences, de la seule compréhension à l’expression courante. Elle ne fait pas une recherche systématique des répertoires plurilingues de ses élèves, mais nous dit y être « assez attentive ». Elle pense qu’il est important d’être « réceptif », et a apporté en classe différents documents écrits et audio (chanson en amazigh, imagier en arabe et en japonais, magazines, albums en indonésien, en laotien, etc.) qui ont suscité la parole des enfants : un imagier du Père Castor en arabe amène les enfants à dire les mots qu’ils connaissent, à comparer l’arabe littéraire et la variété qu’ils comprennent et/ou parlent, à s’étonner de voir un livre pour la jeunesse en langue arabe. Ce moment permet à l’un d’entre eux de se situer vis-à-vis de ses camarades135, de leur dire de nombreux mots en turc. L’enseignante d’italien à l’école (2003) connaît les pratiques linguistiques de plusieurs de ses élèves : deux élèves ont des parents bilingues français – algérien, un élève a des grand-parents lusophones, un autre a l’un de ses parents d’origine italienne, deux enfants d’origine anglaise font des séjours assez fréquents en Angleterre et l’un des parents parle anglais. Une enseignante d’anglais de sixième (2003) ne fait pas de repérage systématique, mais à la fin de la première séance, demande en anglais et en français si des élèves connaissent l’une des huit langues qui peuvent être enseignées à l’école primaire ou au collège, ce qui généralement amène des enfants à évoquer leurs langues familiales : « moi, mes parents ils parlent arabe, portugais, italien … ». Elle a en 2003 au moins un élève qui entend parler arabe chez lui. Elle connaît également les répertoires plurilingues de ses élèves grâce à des projets transdisciplinaires (projet sur les patronymes avec un collègue d’histoire géographie.

Notes
135.

« …il pensait que le petit turc était arabe et il dit mais non j’suis pas arabe je suis turc et c’est pas pareil c’est pas la même langue ».