2. Une didactique plurilingue ?

2.1.Les stratégies plurilingues

Les enseignantes que nous avons interrogées mentionnent plusieurs stratégies plurilingues, sans pour autant les qualifier ainsi de manière explicite : la compréhension grâce au non-verbal et à l’appui sur le contexte, les passerelles avec le français, les mots transparents, des activités d’éveil aux langues.

Deux enseignantes de collège insistent sur le rôle du non-verbal dans la compréhension par les élèves. Les stratégies non-verbales ne sont pas mentionnées comme étant de possibles stratégies de compensation pour l’élève. Deux enseignantes d’anglais (2003 et 2008), introduisent en sixième les premiers énoncés en les contextualisant dans la situation de première rentrée au collège : les élèves ne se connaissent pas les uns les autres, l’enseignante les expose à la langue anglaise et à une gestuelle explicative via plusieurs situation authentiques : elle les guide de la cour à leur salle, se présente, fait l’appel, établit avec eux une carte des noms dans la salle, indique le matériel de classe nécessaire : autant de contenus linguistiques abordés grâce au contexte réel de découverte des lieux et des personnes. En Cours Préparatoire, c’est un événement (la lecture par l’enseignante de la carte en anglais envoyée par Peter la marionnette) qui sert à introduire la langue.

La langue source est utilisée pour rassurer et étayer, comme dans les manuels que nous avons analysés : une enseignante de sixième (2003) autorise, voire encourage la traduction à voix basse par les élèves. A la fin de la première séance, deux enseignantes de sixième passent au français, «histoire de montrer que je le parle aussi (mine de rien, ça rassure chaque année quelques inquiets) » dit l’une, et pour « s’assurer que l’activité a été bien comprise : ‘qu’est-ce qu’on vient de faire ?’ », « pour rassurer si nécessaire : tout le monde a été capable de dire quelque chose », dit l’autre. L’enseignante de CE2 (2003) utilise les mots transparents comme passerelle entre l’anglais et le français, au service de l’orthographe du français. Ses élèves en CE1 et en CE2 cherchent dans le dictionnaire français l’orthographe des équivalents en français de mots transparents en anglais : décembre et december, histoire et history, etc. Une enseignante de collège relate les activités transdisciplinaires en français et histoire-géographie qui sollicitent plusieurs langues : étymologie, patronymie, toponymie, « l’Aventure des langues », l’histoire de la naissance de l’écriture, etc.

Une seule enseignante aménage une situation d’exploration de l’écrit dès la première séance (CE2, 2003) : pour permettre la prise d’indices pour la compréhension de l’écrit authentique, elle donne aux élèves des magazines et autres documents en langue anglaise : « je pense que ça crée un climat de confiance par rapport à la langue ils se rendent compte qu’ils ont des repères visuels et puis il n’y a pas de problèmes de prononciation ». C’est même à partir de mots transparents, par exemple exhibition que les élèves réussissent à rapprocher d’exposition, que l’enseignante aborde les différences de prononciation. Elle privilégie d’autant plus la prise d’indices dans l’écrit en langue étrangère qu’elle essaie également de la développer en français langue matière. Elle apporte des écrits dans d’autres langues et d’autres graphies : du grec, de l’arabe. C’est « un clin d’œil à d’autres langues (…) eux du coup s’ils ont des choses à dire sur d’autres langues ils en profitent (…) ils se sentent entendus ». Elle ne privilégie pas la langue anglaise dans son approche multilingue : « je ne suis pas native déjà je n’ai pas d’histoire particulière avec l’anglais (…) c’est aussi pour qu’ils me fassent confiance pour qu’ils n’aient pas l’impression que je défends quelque chose (…) du coup eux- mêmes ça ouvre la possibilité d’amener eux-mêmes un truc de leur culture ».