2.2. La prise en compte des répertoires des élèves

Nous avons demandé aux enseignantes si et comment elles prenaient en compte, dans leur pratique de classe, les informations qu’elles avaient sur les répertoires plurilingues de leurs élèves. Une enseignante d’anglais en sixième (2003) constate chez ses élèves un grand besoin d’être rassurés ; elle sollicite ceux qui ont été initiés en allemand et leur demande de comparer des mots anglais avec ceux qu’ils connaissent en allemand. Constatant que ses élèves ont quasi tous été initiés à une langue étrangère, elle « homogénéise en communication audio-orale » jusqu’en février. En 2008, nous entendons à nouveau l'expression de ce souci d’homogénéité linguistique, dans les propos d’une autre enseignante de sixième : « la langue enseignée dans les écoles de secteur est l’anglais depuis deux ans dans un souci d’uniformisation des apprentissages »

L’enseignante d’allemand qui ne souhaite pas s’enquérir des langues familiales de ses élèves évoque des « enfants qui ne veulent pas dire leur langue d’origine il m’est plutôt arrivé d’essayer de valoriser et de faire dire des choses sur les langues d’origine plutôt en interculturel d’ailleurs qu’en matière linguistique. Vous avez de la chance rendez vous compte ». Elle constate qu’« ils ont très peur du regard des autres ils ont peur il y a certaines langues qui ne sont pas valorisées et certaines appartenances qu’ils cachent ». Lorsque nous évoquons les éléments de proximité entre l’allemand et l’arabe (certains sons, la formation des nombres), « je n’ai jamais jamais entendu un enfant faire de comparaison entre l’allemand et l’arabe je ne l’ai pas suscité je ne savais pas qu’il y avait des comparaisons à faire ».

Une enseignante de primaire (2008) resitue la question de la prise en compte des répertoires plurilingues dans un cadre plus large : « Dans toutes les disciplines, les enfants peuvent parler de leurs connaissances particulières, s’ils le souhaitent (histoire, géographie, français) » mais note que « Jean, l’enfant bilingue de la classe, est plus curieux que les autres élèves des relations qui existent entre l’allemand, l’anglais ou le français. Il questionne donc. Comme nous avons très peu d’enfants d’origine étrangère, j’interroge souvent sur l’histoire des mots, nous avons dans la classe des dictionnaires étymologiques du français. Ce sujet intéresse beaucoup les CM2 ; il est davantage abordé en français (vocabulaire). »

Une enseignante de sixième (2008) ne recherche pas quels sont les répertoires plurilingues de ses élèves, mais lorsqu’elle les connaît, « utilise ces informations en cours lors d’échanges en anglais, comme support » pour des structures comme : « My father is Spanish » «  my mother is from Italy », «  My grandmother speaks Portuguese » pour « des points de prononciation ou de vocabulaire ». Une autre pense que « les élèves pratiquant une autre langue, que cela soit régulièrement où de façon ponctuelle, ont beaucoup plus de facilitées à la base pour intégrer une structure langagière différente : ils sont beaucoup plus prolixes et se lancent facilement pour participer au cours. »

Les enseignantes qui s’intéressent le plus aux répertoires plurilingues de leurs élèves sont aussi celles qui les considèrent de manière positive et les utilisent comme une ressource en classe. L’une, en primaire (2003), en tient compte selon « les opportunités des apprentissages » et estime que les enfants bilingues sont « plus sensibles à une nouvelle langue ». L’enseignante de CE2 (2003) constate que certains enfants d’origine maghrébine qui ne sont « pas complètement à l’aise dans certaines disciplines le sont vraiment en anglais par contre (…) c’est vraiment l’enfant qui manifeste un grand intérêt (…) j’ai une petite fille dans ma classe qui est un peu en difficulté mais qui est très demandeuse d’anglais et qui se sent à l’aise là dedans (…) les enfants qui sont habitués à côtoyer plusieurs langues sont plus réceptifs que les autres ».