Depuis plusieurs années, les formateurs impliqués dans la didactique des langues au primaire (étrangères, régionales, secondes, de scolarisation) créent des outils de formation pour rendre possible la transposition des savoirs et permettre aux enseignants d’acquérir de nouveaux gestes professionnels. A travers la présentation de quelques activités de formation, nous essaierons d’analyser la nature de ce processus de formation et en quoi il peut répondre aux objectifs définis plus haut. Les matériaux communs à ces formations sont les langues de vie des stagiaires, leurs pratiques langagières et culturelles, des éléments de leur environnement linguistique. D’une part, ces matériaux jouent le rôle d’objets de médiation pour une meilleure compréhension des vécus liés aux langues et aux cultures, pour une perception fine des situations de plurilinguisme et de cultures plurielles. D’autre part, les activités mises en place contribuent à la mise en place d’un savoir de référence, en permettant de passer de savoirs en acte à un corpus de connaissance. Ce type de démarche a été décrit par Rogalski et Samuçay dans leur analyse de la formation d’experts officiers sapeurs-pompiers (1994 : 35-71), qui présente plusieurs points communs avec la formation d’enseignants :
‘Les stagiaires sont déjà engagés dans la profession : ils ont attesté de connaissances de base (théoriques et/ou de pratiques professionnelles) niveau minimum IIUT (…). Les formateurs occupent une double place : ils sont enseignants face aux stagiaires et dans un rapport professionnel qui va de la relation de supérieur hiérarchique au statut de pair (1994 : 55)’C’est aussi le cas des formateurs d’enseignants, qui peuvent être des inspecteurs (supérieurs hiérarchiques), des universitaires, des conseillers pédagogiques, des maîtres formateurs. Rogalski et Samuçay montrent comment le savoir enseigné en formation est élaboré à partir du savoir de référence (la formalisation des pratiques) et du savoir savant. Une telle démarche se justifie d’autant plus pour la formation des professeurs des écoles que ceux-ci146 construisent une culture professionnelle commune au fil de la formation à partir de cursus très variés et de vécus professionnels antérieurs différents. Compte-tenu de cette hétérogénéité de leurs connaissances et de leurs parcours, il est d’autant plus important de créer les conditions pour qu’ils explicitent et mutualisent leurs expériences, qu’ils confrontent aux savoirs sur le plurilinguisme, les cultures et les parcours de migration des pratiques langagières et culturelles vécues et observées, pour transformer celles-ci en connaissances nouvelles et utiles dans la classe. Un élément clé des propositions présentées ici est l’usage de l’expérience sensible et de la convocation d’images en complément des notions linguistiques abordées. D’où des propositions d’activités à partir d’éléments de la biographie langagière des enseignants ; les langues de vie (langues régionales, langues d’immigration, parlers urbains) et les cultures des enseignants stagiaires sont d’abord des matériaux pour des mises en situation, puis des supports à la réflexion sur la didactique et des ressources mutualisées dans le groupe d’enseignants.
Le recours en formation à l’autobiographie langagière existe depuis plusieurs années et sous différentes formes. Doris Tophinke (2002 : 7) en fait un terrain pour la pratique dans la langue cible, et souligne qu’outre sa fonction métalinguistique, la biographie langagière se fait dans un contexte de communication langagière, dans lequel elle est intégrée de façon fonctionnelle147. Christiane Perregaux a souligné à quel point les autobiographies langagières peuvent compléter la découverte des outils d’éveil aux langues, être des « révélateur(s) de savoirs » (2002 : 82) et favoriser « l’assouplissement de la crispation identitaire » (Belkaïd, citée par Perregaux, 2002 : 82). Pour nos ateliers, nous n’avons pas sollicité l’ensemble des biographies langagières. Des ateliers permettent que surgissent des fragments de biographie, des souvenirs langagiers qui sont les matériaux pour une pratique de didactique des langues. Ces ateliers permettent une réflexion métalinguistique et méta-cognitive, sociolinguistique, didactique. Métalinguistique et métacognitive, car les stagiaires font un retour sur leurs propres expériences langagières, pour mieux comprendre comment les connaissancesde différentes langues se sont nourries les unes des autres et réfléchir à la manière dont les compétences linguistiques ne se développent pas de manière isolée dans chaque langue. D’ordre sociolinguistique, en amenant les enseignants à être conscients de leurs propres pratiques et de leur usage de langue dans les différents réseaux dont ils font partie. Réflexion didactique, enfin, dans une démarche d’isomorphisme : les stagiaires vivent la prise de conscience des aspects positifs de la mutualisation entre les apprenants quel que soit leur âge, constatent que le formateur accueille dans l’espace de la formation des langues que lui-même ne maîtrise pas pour déclencher des temps de réflexion sur le langage.
Les activités que nous évoquons ici visent à questionner les représentations des enseignants et à les former à recueillir celles de leurs élèves, à mieux connaître les différentes langues et cultures présentes dans le groupe de stagiaires et dans l’environnement proche. Sont également explorés les apprentissages langagiers et la manière d’aborder une culture cible.
A la différence des stagiaires professeurs de collège et lycée généralement regroupés par champ disciplinaire.
sie hat einen sprachlich-kommunikativen Kontext, in den sie funktional eingbunden ist