La métaphore et le surréalisme 

Alors que le procédé métaphorique repose essentiellement sur l’analogie et la ressemblance, en associant deux termes dont il est possible de justifier le lien grâce à la présence de sèmes communs, le surréalisme semble contourner ce principe fondateur de la figure, vu le caractère énigmatique de l’image qu’il promeut. En effet, cette image n’admet point d’interprétation logique, elle demeure obscure malgré les tentatives de clarification, et ce parce qu’elle procède selon différentes modalités qui font que son interprétation surpasse les facultés communes ; on va reprendre donc ces techniques : d’abord, les deux termes en rapport pour constituer l’image sont incompatibles, ils ne peuvent donc être rapprochés du fait de l’absence de tout lien commun qui permet de les relier, d’où on peut qualifier ce produit regroupant les deux pôles par l’adjectif « arbitraire » parce que non motivé.

Par conséquent, nous essayerons de démontrer que le mouvement surréaliste fonde un cadre particulier, supposé déjouer le mécanisme analogique et dans lequel la métaphore évolue par un détour, par contradiction, et ce du fait d’une écriture singulière, à savoir l’automatisme qui remet en question l’arbitraire du signe linguistique, puisqu’il paraît indispensable chez les surréalistes d’accorder aux mots le pouvoir de révéler les mécanismes de la pensée, d’explorer l’inconscient et de parvenir à la surréalité. Ainsi, le surréalisme cherche à éviter l’abstraction, à discerner dans le rapprochement surprenant des images une voie efficace pour retrouver l’authenticité.

Nous allons également montrer comment, par le recours à la métaphorisation, les surréalistes, pourtant, remettent en question l’expressivité, en tant que moyen de dire avec force et surtout avec justesse ce que l’on veut dire, sentir ou penser, et ce en refusant aussi bien les redites, les images toutes faites, que les métaphores visibles, pour renouveler les structures du langage, se donner d’autres moyens d’expression, et mettre en place de nouvelles images inédites et obscures. Donc, au-delà de la métaphore et de cette reconsidération de l’expressivité, les membres du mouvement cherchent à concevoir, à reconstituer la poésie d’une manière autre, puisqu’ils la considèrent comme un moyen de connaissance des mécanismes psychiques, et donc inconscients. Ils refusent alors la littérature de second degré, l’ancienne conception poétique, et pratiquent un art visuel, une poétique qui donne à voir la surréalité, par le biais de l’écriture automatique, une technique privilégiée pour produire un texte poétique sans obéir aux règles esthétiques ou rationnelles préétablies

De ce fait, il est possible de dire que le surréalisme est un mouvement de renouvellement à la fois de la métaphoricité par le recours à un nouveau type de métaphores, produits de l’automatisme ; de l’expressivité par un refus des normes esthétiques ; et de la poéticité relative à la métaphore, toutefois, en refondant l’une et l’autre. Ainsi, nous essayerons, d’abord, de mettre en lumière les spécificités de la métaphorisation dans le texte surréaliste.