La métaphore, le surréalisme et Aragon 

Nous tenterons, par la suite, de prendre en considération l’image aragonienne et spécialement la métaphore employée par cet auteur dans son œuvre surréaliste, en supposant que cette figure est douée d’une originalité à identifier, en premier lieu, par rapport à la théorie surréaliste, et en second lieu, par rapport à ses textes écrits après la période surréaliste, dans la mesure où nous avons relevé qu’Aragon ne paraît pas convaincu par la nécessité de pratiquer l’écriture automatique . Il voit que celle-ci permet, en tant qu’expérience, d’exposer et d’élargir le champ de la vie psychique, mais il tient, après la période surréaliste, qu’il est indispensable de pratiquer une poétique consciente, maîtrisée et qui résulte d’une recherche de la forme.

Cette distinction vis-à-vis de la théorie surréaliste s’appuie principalement sur une saisie du réel transformée par un va et vient entre la réalité et un désir incessant de lui accorder un sens qui dépasse la conception événementielle, dans la mesure où le réel aragonien n’est pas en relation immédiate avec les événements et leur déroulement, comme dans Le Paysan de Paris, où on assiste à une déambulation sans événements, ni actions, et durant laquelle on suit le cheminement d’une conscience qui offre une nouvelle vision subjective et particulière du monde, le reconstituant puisqu’il est souvent considéré comme catastrophique. Il paraît donc indispensable de résister et de surmonter la réalité par le biais d’une écriture spécifique au poète, dont nous allons essayer de mettre en lumière les particularités sous l’angle de la métaphorisation, en tant que mécanisme qui contribue en partie à la transformation du réel, et ce contrairement à la pratique surréaliste qui coupe tout pont avec le cadre d’actualité et revendique un état supérieur de la réalité, celui de la vérité psychique et inconsciente de l’être.

Cette analyse débutera donc par une observation du phénomène métaphorique, puisque nous avons remarqué une certaine opacité qui caractérise les textes aragoniens et rend problématique l’explication de certaines occurrences de la métaphore. Par conséquent, nous chercherons à discerner la conception de l’image chez Aragon surréaliste, à vérifier pourquoi un tel emploi du mécanisme restreint le champ de la réception, et ce dans le but de mettre en valeur les particularités de l’écriture aragonienne comme recours singulier à cette figure : la métaphore n’est plus seulement une esthétique, mais un mode de construction du texte d’Aragon, dans la mesure où, à l’encontre du texte proprement surréaliste qui paraît fragmenté, la dimension figurative mise en place par le mécanisme métaphorique aragonien rétablit, à la fois, l’unité textuelle et la cohérence de l’univers réinventé par le poète.